Au Pérou, les Aymaras promettent la guerre civile si le gouvernement ne retire pas ses troupes de la sierra


PAR PIERRE ROTTET, Lima

Tournant ce lundi 20 février 2023 dans la rébellion contre la présidente Boluarte et son gouvernement? Dans un communiqué publié le 20 février, relaté par «La Republica», le plus important quotidien péruvien crédible, des milliers de Aymaras promettent la «guerre civile» au pays si le gouvernement continue d’envoyer des militaires à Puno. Les rambos de service! 

Ce lundi, plus de 20’000 citoyens et citoyennes appartenant à l’ethnie aymara, ont envahi la capitale régionale de Puno, sur les bords du lac Titicaca. Des marcheurs, qui avaient porté l’ex-président Pedro Castillo à la présidence du Pérou en 2021 – au même titre que les habitants de la sierra -, ont accouru de différentes provinces de la région de l’altiplano pour exiger la démission de Dina Boluarte. Tous étaient vêtus de manière uniforme: les hommes en costumes traditionnels, les femmes avec leurs larges « polleras » et le poncho tissé aux mêmes couleurs flamboyantes. 

Un tournant dans la lutte contre le gouvernement ? Plus de 80 % des Péruviens réclament son départ. Sans parler d’un congrès qui pèse moins lourd encore dans l’opinion publique. «Il s’agit d’un signal fort et d’une démonstration illustrant des décisions collectives des instances indigènes dans le but de poursuivre la marche de protestation contre le gouvernement», écrit le quotidien limeño.

Les leaders aymaras se veulent plus déterminés dans cette nouvelle campagne de protestations. Ils se font plus menaçants par la même occasion: «Nous reviendrons et nous serons des milliers». Ils réaffirment par-là leur volonté d’un retour en force dans la capitale, Lima. Les manifestants réitèrent leur détermination à poursuivre une «grève indéfinie». Surtout, ils assurent que les actes qui ont causé la morts des victimes tombées sous les balles ou lors des confrontations avec les militaires ou la police nationale ne resteront pas impunis.

A noter que les étudiants de l’Université nationale de l’Altiplano se sont joints à l’impressionnante marche du 20 février. 

Plusieurs observateurs, critiques du blocage institutionnel du Pérou, du chaos et de l’effrayant enfermement dans lequel le gouvernement Boluarte s’est engagé, surtout après le refus définitif du congrès d’organiser des élections en 2023, mettent en garde contre une possible «guerre civile». Incluant une montée en puissance de cette autre grande partie de la population andine et de la sierra, d’obédience quechua. Avec, chevillée en elle, le sentiment que son vote de 2021 lui a été volé. 

Une guerre civile à laquelle personne ne semble cependant croire à Lima, même si on n’écarte pas une possible escalade sous la forme d’une reprise d’une guérilla armée. Tout au moins d’une rébellion plus musclée…

Quant au journaliste César Hildebrandt, au ton particulièrement vif et intransigeant à l’égard de Boluarte, il résume dans une phrase «assassine» ce que nombre de citoyens péruviens pensent: «la droite a dit à Dina Boluarte que son rôle consistait à mettre de l’ordre. Et pour ce faire, elle lui a donné ‘una escopeta’ ». Autrement dit, un fusil! 

Pour le politologue Alonso Cardenas, qui faisait entre autres le bilan d’une année de guerre entre la Russie et l’Ukraine, le Pérou est aujourd’hui au même niveau que la Russie en termes de respect de la démocratie. «Avec tous les symptômes d’un régime autoritaire». 

Mais surtout, pour ces mêmes observateurs, y compris l’OEA, l’Organisation des Etats américains, le Pérou est actuellement devenu un pays avec une crédibilité politique largement amoindrie voire plus que jamais inaudible en Amérique latine.

Manifestants dans les rues de Lima, 16 février 2023. Photo Rottet.

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