Hommage à Laurence Deonna (1937-2023)


PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Femme libre, bourlingueuse, grand reporter, écrivaine, photographe, Laurence Deonna (1937-2023) était tout cela. Les hommages se succèdent, gageons qu’ils ne sont pas pour déplaire post mortem à l’intéressée. Tant il est vrai que cette statue, la journaliste Genevoise l’avait soigneusement entretenue lors de nombreuses conférences et dans des films consacrés à son parcours hors du commun. Il est pourtant un aspect très important de sa vie que les médias ignorent et passent sous silence, c’est son attachement à un journal.

Comment te dire adieu, Laurence, autrement qu’en évoquant la fin du « Journal de Genève »? Tu t’étais battue comme une lionne de Mésopotamie pour qu’il vive, en digne ambassadrice du fameux esprit de la République du bout du lac. Une ouverture sur le monde que tu tenais de ton ascendance genevoise pur sucre. Une enfance dorée, jamais reniée au cours de ton existence de baroudeuse. Dès les premières escarmouches qui ont précédé le mariage du Journal et du « Nouveau Quotidien », tu manifestas ta sympathie et ta solidarité aux rebelles du « Quotidien d’audience internationale », contestataires de la fusion. Puis tu militas ardemment pour la renaissance du titre en 2007, sous la forme d’une Lettre hebdomadaire, éphémère expérience de 18 mois. Toi et Farag en furent de fervents lecteurs, avant de révéler un tempérament de vaillants militants au Tribunal quand il s’est agi de témoigner en faveur de la rédaction en chef, frappée par une décision inique de l’éditeur. Grâce à vous également, le journalisme eut gain de cause.

Laurence Deonna et Farag Moussa. Fils de diplomate au service de l’Egypte, celle du premier matin de l’indépendance, diplomate lui-même, Farag a raconté cette épopée de pionnier dans un livre dédié à son père. Un beau livre empreint de culture et de finesse. Farag est parti en 2021. Evoquant son souvenir, peu de mois après sa disparition, je t’ai dit, Laurence: “un Grand Monsieur n’est plus”. Le mot t’avait beaucoup touché. A ce moment-là, tu n’as pu retenir tes larmes. Dans le fond tu n’as pas survécu à son départ et comment te donner tort? Vous voilà réunis dans l’au-delà d’où vous continuez à refaire le monde. J’entends d’ici sa voix chaude, le teint calme qui caractérisait son entrée en discussion, quand il consentait à le faire. Non parce qu’il regardait son entourage de haut. Au contraire, Farag respectait ses interlocuteurs, à tel point qu’il ne parlait jamais pour ne rien dire. Un Grand Monsieur, vous disais-je, digne de la Grande Dame que fut Laurence Deonna.

Laurence Deonna.
Photo DR/wikipedia

Tags: , , ,

3 commmentaires à “Hommage à Laurence Deonna (1937-2023)”

  1. Dominique et Reto Olgiati 7 août 2023 at 19:15 #

    Laurence, c’est toi qui nous a ouvert les portes de la Syrie en nous faisant cadeau de tes contacts dans ce pays où le soleil est ds les cœurs et sur les visages syriens.
    Par notre amitié avec Farag et toi, Larence vous êtes venus nous fêter sur les bords du Doubs qui inspirèrent Farag à nous réciter un poème avec de s larmes dans sa voix. J’écouterai en silence ces 2 voix amies qui résonnent dans nos cœurs. MERCi

  2. Hay 12 août 2023 at 15:45 #

    Quel beau témoignage à une Grande Dame et son Compagnon. J’ai eu le privilège de la rencontrer lors de ce passage houleux et douloureux que le Journal de Genève a vécu. C’était une personne lumineuse et chaleureuse dont je garde un très beau souvenir dans mon cœur.

  3. Laurette Heim 15 août 2023 at 19:13 #

    Dans les années 80, j’ai lu son livre  “Femme et reporter : Du fond de ma valise.”
    20 ans après, je lui ai montré mon exemplaire en lui racontant la forte impression qu’il m’avait fait à l’époque. Elle a ri en voyant “la relique” ;-)

    C’était à Crêt-Bérard où elle se trouvait avec son amie Lucienne Lannaz, productrice. Elles présentaient ensemble le film “Douleur et révolte” (Jura Films, 2003) monté à partir des interviews filmées de Laurence Deonna qui avaient servis pour son livre “La guerre à deux voix” (Le Centurion / Labor et Fides, 1986)

    Un peu plus tard, j’eus rendez-vous chez elle à Genève pour l’interviewer, ainsi que son mari Farag Moussa. D’abord elle, puis lui, chacun vaquant à ses occupations pendant que l’autre répondait à mes questions. Le moins qu’on puisse dire et qu’ils n’avaient pas du tout la même opinion sur mon sujet. Mais ça c’est encore une autre histoire…

    Je me souviens clairement avoir passé un très bel après-midi dans leur splendide lieu de vie.

Laisser un commentaire

Les commentaires sous pseudonyme ne seront pas acceptés sur la Méduse, veuillez utiliser votre vrai nom.

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.