Des Brésiliens mettent du soleil dans les rues de Paris



Ils sont une demi-douzaine à présenter des spectacles de capoeira à proximité des terrasses de cafés, dans plusieurs quartiers de la capitale. Ces Brésiliens suscitent des applaudissements nourris.

PAR YANN LE HOUELLEUR, à Paris

En été, depuis plusieurs années, le même spectacle se répète dans les rues de Paris où quelques trop rares artistes s’obstinent à charmer et même subjuguer la foule pour gagner de quoi survivre. Une demi-douzaine de Brésiliens, tous des hommes, se présentent torse nu, un corps parfait malgré la tyrannie des années, exhibant des muscles saillants comme ceux des boxeurs.

La discipline sportive qu’ils pratiquent, la capoeira, n’a pas encore droit de cité aux jeux olympiques !!! Et pourtant… Tandis qu’ils s’échauffent, à proximité de terrasses de cafés-restaurants, l’un des leurs commence à manier, fébrilement, un berimbau, un instrument d’origine brésilienne qui produit de retentissantes vibrations. Son unique corde est tendue entre les extrémités d’un arc et il faut « l’exciter » avec une tige de bois. Peu à peu, alors que les athlètes entament leurs performances, ils décrivent des mouvements et improvisent des jeux avec une souplesse de félin : (en portugais) ginga, cocorinha, meia lua de frente, meia lua de compasso. Ils échangent des coups sans jamais blesser leurs partenaires, les discussions cessent aux terrasses avoisinantes et des applaudissements crépitent de toutes parts. Les spectateurs sont comme fascinés et sous le charme de ces Brésiliens.

Samba sur la terrasse de l’Amuse-Gueule. Photo Yann le Houelleur.

Au Brésil, la capoeira est un sport très populaire qui donne lieu à de nombreux spectacles comme celui-ci, plus particulièrement dans les parcs et sur les gros pavés des rues à forte déclivité de Salvador da Bahia, cette ville mystique et magique dont la majorité des habitants ont la peau noire ou tout au moins pain d’épice. La capoeira a été importée d’Afrique par les esclaves, plus particulièrement l’Angola, qui à partir du 16ème siècle ont dû se forger une culture propre.  Ainsi que le rappelle le dictionnaire en ligne Wikipédia, « Salvador se positionnait comme le premier port d’esclaves des Amériques et l’influence africaine des descendants des esclaves en fait un centre de la culture afro-brésilienne.» La capoeira était une forme de sport d’autodéfense face aux humiliations et mauvais traitements de leurs propriétaires.

Quand nous avons pris des photos dans le quartier de Saint-Germain, nous avons senti une certaine réticence de la part de ces joueurs de capoeira dont certains vivent en France depuis plusieurs années. Allez donc savoir pourquoi. Leurs relations avec les keufs ne semblent pas toujours faciles. L’un d’entre eux nous a dit faire partie d’une association, Capoeira fight team (Capoeira équipe de combat). « C’est difficile de vivre d’un art comme le nôtre à Paris. Nous avons appris à survivre dans votre pays. » La France n’est pas toujours le pays de cocagne qu’on imagine à l’étranger.

L’édition de Franc-Parler dans laquelle paraît cet article de Yann le Houelleur.

 

La samba met de la joie dans le Marais devenu si triste

Rue de Rambuteau, elles auraient fait sensation à la cour du roi Soleil… Photo ©2024 Franc-Parler

La rue Rambuteau fait le lien entre la rue Beaubourg et celle des Francs-Bourgeois, l’un des quartiers les plus huppés de Paris. Ici, on est aux portes du Marais, cousu de contradictions et de paradoxes. Remémorant la fièvre du luxe qui s’était emparée de la royauté pendant l’interminable règne de Louis XIV, les hôtels particuliers déploient les portes majestueuses de leurs cours d’honneur encadrées par de doubles colonnes coiffées de chapiteaux corinthiens. Ces petits palais, authentiques joyaux architecturaux, furent construits à l’initiative de hauts magistrats  qui voulaient en mettre plein la vue à leurs contemporains. De nos jours, cette propension à l’ostentation persiste, mais tellement plus modique et même vulgaire. Nombre de maisons de haute couture et de griffes internationales ont pris possession de magasins spacieux où aucun client ne s’aventure. L’objectif relève du marketing et de la spéculation. Ainsi, Courrèges a-t-il pris la relève d’un bureau de poste désaffecté, face à l’hôtel d’Angoulême Lamoignon. Dans une vitrine, de grande envergure, une mini-jupe de cuir occupe tout l’espace, dans la plus cinglante solitude.

Assurément, ainsi que le dit Bernard, le patron d’un salon de coiffure (huit employés !) le long de la rue Rambuteau, «le Marais a perdu de son charme mais aussi toute une partie de ses consommateurs, à tel point que ma clientèle a diminué de moitié en quelques années ». Cette nostalgie mêlée de déprime est à peine atténuée, le samedi, par  une joyeuse bande de Brésiliens qui à l’heure du goûter offrent un spectacle contagieux par la joie qu’il dégage, sur la terrasse d’un café joliment appelé « Au Bon Accueil ». Des drapeaux géants, respectivement aux couleurs du Brésil et de La France, fraternisent. Et il est rare de voir, dans les rues françaises, des drapeaux tricolores ! Drapées dans des étoffes somptueuses, lumineuses, trois ou quatre filles auraient fait sensation à la cour du roi Soleil. Elles dansent la samba merveilleusement bien, suscitant des vocations dans toute cette partie de la rue Rambuteau. Accompagnée de deux musiciens, elles s’avèrent être infatigables. Mais curieusement  elles ne veulent pas dévoiler leur identité. «Originaire du Minas Gerais, couronnée d’une épaisse chevelure frisée, l’une d’entre elle se contente de dire : « Ca fait trente-deux ans que j’habite en France et tu veux savoir pourquoi je suis venu vivre dans ton pays ? » Je la trouve décidément bien provocatrice et ironique : « C’est pour l’euro ! » Et connaissant bien les Brésiliens, je ne pense pas qu’elle mente tant que cela…

Hotel de Soubise dans le Marais. Dessin Yann le Houelleur

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