Sanctions, la guerre «low cost» des Etats-Unis

PAR MICHEL SANTI

Entre la diplomatie et la guerre, elles sont devenues la pièce maîtresse de l’arsenal américain, un levier fondamental au service de la politique étrangère US. En supprimant tout accès à l’économie occidentale, les sanctions détruisent des industries, ravagent des fortunes personnelles, bouleversent les équilibres – souvent les déséquilibres – politiques des régimes visés. Sans mettre en danger la vie d’un seul soldat américain.

Toute menace, avérée ou potentielle, à l’économie, à la politique, à la sécurité nationale des Etats-Unis est matée par l’entremise de sanctions qui sont mises en place par de simples procédés administratifs, sans l’existence d’une quelconque décision de justice. C’est le bannissement quasi éternel de l’économie globale, car aucune entreprise occidentale n’est plus autorisée à traiter avec le pays ou avec l’individu sous sanctions US. Cette suprématie américaine fragilise donc non seulement les adversaires des Etats-Unis, mais également ses alliés.

Biden s’en donne à cœur joie

A travers le monde, 60% des nations à bas revenus sont aujourd’hui sous le coup de sanctions, touchant des individus, des organisations, des biens immobiliers… Les abus de cette arme, désormais utilisée comme un réflexe pavlovien, sont reconnus par l’administration américaine, au plus haut niveau. Les signaux d’alarme sont émis par la haute fonction publique du pays mettant en garde par rapport à ces excès d’y avoir recours, qui se traduisent par une réduction de leur efficacité. Des suggestions concrètes sont formulées visant à ce que les sanctions imposées expirent automatiquement, sauf à être expressément renouvelées par le Congrès.

Elles restent cependant un levier auquel ne parviennent pas à résister les présidents américains. Quand l’administration Trump ajoutait en moyenne 3 noms par jour sur une liste d’individus interdits bancaires, Biden s’en est donné à cœur joie à la faveur de l’invasion russe de l’Ukraine. A Washington, toute une industrie s’est développée, entretenue par des Etats et des entreprises étrangers qui, à coup de milliards de dollars, tentent d’infléchir et d’influencer la mécanique, à travers des cabinets d’avocats et des lobbies spécialisés.

Contre les communistes de Cuba

Mises en place modestement à l’origine afin de bouter les communistes hors de Cuba, afin de combattre les cartels de la drogue en Colombie et au Mexique, afin de renverser des régimes voyous comme en Libye, les sanctions étaient à l’époque décrétées par une petite équipe de quelques personnes bien identifiées. Comme c’est des dizaines d’agences fédérales – ayant chacune sa spécialité – qui peuvent aujourd’hui unilatéralement adopter celles qui leur semblent opportunes, les sanctions provoquent des effets collatéraux dévastateurs, exactement comme une guerre traditionnelle.

Si les cigares de La Havane n’ont certes plus droit de cité aux Etats-Unis, les sanctions privent également Cuba de recevoir par exemple du matériel médical, et n’ont pas empêché le régime de se maintenir 60 ans après leur mise en place initiale. Pour sa part, le Venezuela a subi la liquéfaction totale de son activité économique. Bachar al-Assad est toujours dans son palais après 20 ans de sanctions. Et le régime théocratique en Iran, sous sanctions depuis les années 1970, est désormais le meilleur allié de la Russie et de la Chine.

Nul n’est tenu pour responsable si elles nuisent aux populations civiles innocentes des nations sous embargo. Leur levée se révèle extraordinairement compliquée dans un pays bureaucratique comme les Etats-Unis.

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