La dette, grande absente de la campagne électorale américaine

PAR MICHEL SANTI

Pour régler un problème, il faut d’abord en être conscient. La dette américaine qui atteint 35 769 084 471 524 $ en ce mois d’octobre 2024 ne préoccupe – de fait – aucun des deux candidats actuels à la Présidence US. Le terme de «dette» n’a du reste même pas été mentionné une seule fois dans le débat les ayant opposés.

Il n’est pas plus présent sur le programme officiel 2024 des Républicains. Si ce n’est une fantaisie débile récemment pondue conjointement par Musk et Trump de créer un Ministère de l’efficience gouvernementale, “Department of Government Efficiency plan”, qui se proposera de sabrer les dépenses publiques de pas moins de… 80% ! Quant à la candidate Harris, elle se contente pour tout programme d’affirmer que le sien sera moins dépensier que celui de son adversaire.

Le diagnostic est pourtant d’une rare clarté, à savoir que les dépenses de l’Etat fédéral américain sont condamnées à se creuser irrémédiablement ces 10 prochaines années, car le gouvernement des Etats-Unis doit faire face à 3 postes principaux.

Trois gouffres

En réalité à 3 gouffres principaux: la Sécurité Sociale, Medicare (l’assurance-maladie publique) et les intérêts sur sa dette qui seront de 1 160 000 000 000 $ cette année, à leur plus haut historique.

Aucun des deux candidats ne souhaite évidemment remettre en cause les 2 premiers postes, et aucun n’a de solution pour le troisième. Les organismes publics américains viennent même de calculer que, pour la première fois de leur histoire, les Etats-Unis dépenseront cette année plus sur les intérêts de leur dette que sur leur armée et leur défense. Le ratio dette/PIB pulvérise lui aussi tous les records précédents puisqu’il est attendu à environ 125% en 2024.

Ce n’est pas parce que le pays, son économie et ses marchés financiers ne sont pas en crise qu’il convient de détourner l’attention. En attendant, cette dette comprime les salaires et les revenus des ménages du pays depuis plusieurs décennies. Extraordinaire par son ampleur, elle fragilise les fondations même de la prospérité américaine, un peu à la manière de termites dont on ne se rend compte de la présence que lorsque s’effondre la maison. Nul ne sait si le point de non-retour est proche.

A quand le point de non-retour?

Toujours est-il que, par définition, sa survenue -provoquée par une spirale de la dette dont on prendrait subitement conscience- sèmera la dévastation, pompera les liquidités hors de l’économie, contraindra à augmenter massivement les impôts dans le seul objectif de s’acquitter des intérêts dus. Le pays devra alors payer davantage pour attirer les créanciers, initiant un effet boule de neige contraignant le secteur privé à devoir lui aussi se financer plus cher, et donc à investir moins et à licencier plus. Un indicateur infaillible de ce point de non-retour est lorsque l’Etat en question emprunte dans le but de régler les intérêts de sa dette.

A travers l’Histoire, les exemples sont multiples de pays dont la dette a atteint 200, voire 250% de leur PIB, et qui ont dû actionner intensivement leur planche à billets, puis subir l’hyperinflation. Weimar, plusieurs nations d’Amérique Latine, le Zimbabwe, le Liban… Depuis lors, les Etats-Unis, l’Union Européenne, le FMI volent à leur secours pour les renflouer. Une nation comme la Grèce peut être sauvée. Néanmoins, au vu de la taille de mastodonte absolu de l’économie américaine, personne ne pourra jamais la renflouer en cas de besoin. Aucune autre économie au monde n’est en mesure de sauver les Etats-Unis, en cas de spirale incontrôlable.

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