Comment Genève se positionne-t-elle dans le dialogue avec l’Asie? En créant des liens entre deux mondes! Olivier Turrettini, président de l’Association Genève-Asie, répond aux questions du journaliste kirghize Zhenishbek Edigeev.
Un soutien aux étudiants à travers des bourses
Depuis 50 ans nous avons toujours poursuivi le même objectif : créer et favoriser des liens entre Genève, ou la région genevoise, et l’Asie. L’Association Genève-Asie a été fondée par deux personnalités de haut niveau : Monsieur Jacques Freymond, directeur de l’Institut universitaire des hautes études internationales et du développement (IHEID), et Monsieur Thierry Barbey, associé d’une banque privée. Tous deux connaissaient très bien l’Asie et ont constaté que Genève pourrait utilement renforcer ses liens avec elle. Relevons que, malgré la rareté des liens directs, de nombreux Genevois avaient déjà des connexions avec l’Asie, que ce soit sur le plan familial ou professionnel. Nos fondateurs ont alors estimé qu’il serait pertinent de créer un outil de contact pour officialiser et renforcer ces échanges.
L’association poursuit également deux autres objectifs principaux : d’une part, aider les étudiants, et d’autre part, mieux informer les habitants de Genève et de sa région sur les événements en Asie. Pour soutenir les étudiants, un programme de bourses a été mis en place, qui a évolué au fil des ans en fonction des ressources de l’organisation.
Nous avons toujours réussi à offrir des bourses, même si leurs montants ont varié. Au départ, certaines bourses étaient généreuses, mais les ressources ont fluctué avec le temps, ce qui nous a parfois contraints à offrir des prix plutôt que des bourses. Depuis que j’ai repris l’association des mains du professeur Gilbert Etienne, spécialiste de l’Inde, j’ai cherché à développer ces bourses, et orienter leur champ d’application à des domaines variés conformes au concept de notre association. Actuellement, notre priorité est d’aider au financement des travaux de terrain effectués par des étudiants en master, dans le cadre de leur recherche de thèse en Asie. Ces bourses, d’un montant typique de 3 000 francs, ne couvrent pas l’intégralité des coûts, mais apportent un soutien substantiel aux étudiants qui se rendent en Asie pour leurs recherches.
Une ouverture progressive à l’ensemble du continent asiatique
Les fondateurs de l’association se concentraient à l’origine sur l’Asie de l’Est et du Sud-Est: Japon, Chine, péninsule indochinoise, Inde. Ils étaient alors moins orientés vers l’Asie intérieure ou occidentale. J’ai eu un grand plaisir à élargir notre intérêt à d’autres régions, comme le Pakistan, l’Iran ou le Moyen-Orient ; nous avons également organisé des présentations à nos membres sur la Turquie, la route de la soie et la conquête de la Sibérie par les Russes. Notre intérêt à l’Asie s’est ainsi élargi, englobant progressivement l’ensemble du continent. Mais notre dimension reste modeste et nous sommes attachés à notre indépendance.
On parle souvent de l’éducation de l’Occident et de la sagesse de l’Orient. Bien que cela ne soit pas toujours vérifié, car il y a aussi des sages en Occident et des moins sages en Asie, il est indéniable que l’Asie possède des fondements philosophiques très profonds, tournés vers la réflexion et la sagesse. Personnellement, j’ai une affinité plus prononcée pour l’Asie non centrale, car il y a davantage de communication moderne avec le reste du monde et ces pays sont plus visibles sur la scène internationale. L’Asie centrale est fascinante, mais j’avoue avoir du mal à différencier certaines des grandes tribus ou clans qui dominent cette région, où chaque pays tire son nom de ces ethnies.
Les échanges commerciaux ont permis à la Chine de combler le fossé social
La mondialisation est un sujet vaste et complexe. Elle a apporté énormément d’opportunités à de nombreuses populations, en leur ouvrant des perspectives internationales. En Chine, par exemple, le gouvernement affirme – à juste titre – que la mondialisation a permis de sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté. Lorsque les échanges se multiplient, les différences tendent à s’atténuer, car il y a une attraction naturelle vers la nouveauté. Je pense que ce phénomène a toujours existé.
Le rôle positif du cosmopolitisme en Suisse
Si je n’étais pas cosmopolite, je ne ferais pas partie de cette association. À Genève, il est sans doute plus facile d’être cosmopolite qu’ailleurs, comme au milieu des États-Unis, du Brésil ou de la Chine. Ici, nous sommes à trois kilomètres de la frontière, au cœur d’une Europe encore très fragmentée en de nombreux pays petits et différents. Cette situation offre beaucoup de possibilités. De nombreux amis me racontent comment leurs parents, parfois employés de la poste ou ouvriers, sont venus s’installer en ville de Genève et ont réussi à se construire de belles carrières. En Suisse, le système d’apprentissage est particulièrement efficace : il permet aux jeunes de commencer une formation pratique dès leur scolarité de base, et s’ils sont intelligents et motivés, ils peuvent réintégrer un cursus académique qui les mènera, parfois, jusqu’à un doctorat.
Propos recueillis par Zhenishbek Edigeev