Les instituts de sondage et les médias qui les ont relayés jusqu’à plus soif devraient se battre la coulpe au vu du résultat de la dernière élection présidentielle aux Etats-Unis. Leur lancinant message pendant des semaines fut que la démocrate et le républicain étaient au coude-à-coude. Le jour précédant l’élection, Kamala Harris disposait même d’une avance de 4 points! Au point qu’il est parfaitement légitime d’imaginer que des journaux très crédules préparèrent fébrilement leur une sans attendre le jour fatidique. En titrant sur la première femme à la Maison Blanche. L’immense claque que ces donneurs d’info ont reçue à l’annonce du ras-de-marée Trump, les incitera-t-elle à plus de modestie? Et de circonspection. Sait-on finalement qui se cache derrière les maisons de sondage? En France, un vernis, aux Etats-Unis une couche opaque les recouvre.
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Trump élu, le protectionnisme se débride, au grand dam de l’économie européenne. La Suisse, dont les Etats-Unis sont l’un des principaux marchés, sent aussi le vent du boulet. Au lendemain de l’élection de Trump, le cours des actions helvétiques a chuté. Avec cette exception notable: l’action UBS, qui a bondi de 5%. Cela n’évoque rien pour vous? Les banques suisses gardent un très bon mauvais souvenir des administrations démocrates depuis Bill Clinton et l’affaire des fonds en déshérence. Le retour des Républicains au pouvoir est une bonne nouvelle pour elles.
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Sponsor de la campagne démocrate, l’ambassadeur des Etats-Unis en poste à Berne sermonne régulièrement la Suisse et sa politique de neutralité dans le contexte des sanctions occidentales contre la Russie. Un comportement qui ne correspond pas forcément aux us diplomatiques voulant que l’ambassadeur cherche d’abord à resserrer les liens entre son pays et l’Etat hôte, et non à jouer un rôle de pion et de donneur de leçons. Autant dire que dans les hautes sphères politiques helvétiques de chaudes larmes ne couleront pas lorsque M. Scott Miller annoncera son départ, rendu inévitable suite à la déconfiture démocrate. Pour avoir souhaité la victoire de Trump, le ministre Rösti s’est fait remonter les bretelles mais il savait très bien ce qu’il disait et ne doit rien regretter.
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La vengeance est un plat qui ne se mange même plus froid. Sans attendre le mois de janvier et la passation du témoin des mains de Joe Biden, le nouveau président élu américain annonce la couleur de manière visiblement jubilatoire. Une vidéo circule dans laquelle il égrène les mesures drastiques qu’il prendra – assènera, plutôt – dès le premier jour de son mandat. Un coup de balai massif, des centaines de fonctionnaires passeront à la moulinette. La politique américaine, notamment sur le plan climatique, s’en trouvera forcément influencée. Mais pas forcément bouleversée, en tout cas peut-être moins que ce que prédisent les thuriféraires de l’Apocalypse. D’abord parce que quatre années se sont écoulées depuis la fin du premier mandat Trump. Encouragées par l' »Inflation Réduction Act », promulgué par Joe Biden en 2022, les énergies renouvelables ont prouvé au monde des affaires leur utilité en termes de revenus sonnants et trébuchants. Submergeant villes et déserts, les panneaux solaires rendent leurs fabricants multimillionnaires, propulsant ces derniers dans la caste des trumpistes. Le nucléaire a aussi entrepris son grand come-back, sans que Greta n’élève la voix. Quant au pétrole, il est jusqu’à Elon Musk, père de l’automobile électrique et mentor de Trump, pour s’en faire l’avocat inconditionnel à l’heure où les Etats-Unis, profitant des sanctions contre la Russie, consolident leur position de premier producteur. Dans ce théâtre dantesque, les seuls à devoir se faire du souci sont les partisans de la décroissance, conscients de la sombre fatalité d’un programme soumis à l’industrialisation débridée et à l’intelligence artificielle, qui n’inclut pas une seule concession à la tempérance consumériste, seule, unique manière de ratatiner l’Himalaya de déchets qui transforme la planète en repère de rats. «La tragédie est qu’il n’y ait plus d’êtres humains, mais d’étranges machines qui se cognent les unes contre les autres» (Pier Paolo Pasolini).
Christian Campiche