Le gouvernement syrien vient d’augmenter de 300% les droits de douane pour toute importation de biens en provenance de Turquie ! Le nouvel homme fort de Damas, Ahmad el Charaa, se serait-il inspiré de Donald Trump qui n’a de cesse, depuis qu’il est élu, de menacer tous ses partenaires économiques de flambées des droits de douane américains ? Pas vraiment en réalité, car le récemment installé exécutif syrien harmonise ses droits de douane, ayant baissé au même moment de 60% ceux envers les importations depuis le Liban, la Jordanie et l’Iraq.
Cette différence notable entre droits syriens imposés aux marchandises en provenance de ces trois pays et celles vendues par la Turquie avait été sciemment instaurée par la précédente administration Assad. En fait, et jusqu’à la chute du dictateur syrien, les biens turcs n’étaient quasiment pas imposés en Syrie, tandis que les importations des nations arabes «sœurs» étaient lourdement pénalisées. L’uniformisation des droits de douane syriens mécontente – et c’est un faible qualificatif – l’ensemble de la classe des affaires turque et pour cause, puisque les exportations du grand et influent voisin turc se montaient à plus de 2 milliards de dollars depuis plusieurs années.
Choc rude pour la Turquie
Partenaire très influent, ayant accepté de recueillir sur son territoire trois millions de réfugiés syriens, la Turquie subit depuis quelques semaines l’interruption, ou le gel, pur et simple de toutes ses exportations à destination de la Syrie. C’est notamment l’industrie agroalimentaire turque qui menace d’être sinistrée par ce réajustement syrien de ses droits de douane, car la Turquie y exportait en quantités massives céréales, légumineux, oléagineux et autres denrées agricoles. Le secteur du ciment turc risque également d’être largement pénalisé avec certains exportateurs qui font état de taxes syriennes de 27 $ pour un sac de ciment en valant 50 ! Le choc semble si rude pour les turcs qui ont été pris de court et qui se demandent quelle influence leur pays conserve-t-il encore en Syrie ? En toute logique, des mises en garde sont proférées par certains responsables turcs avertissant les Syriens qu’une inflation sévère et qu’un effondrement de leur pouvoir d’achat seront la conséquence de cette véritable raclée que constitue l’augmentation de 300% des droits syriens.
En fait, les nouveaux responsables syriens tentent de rétablir une certaine équité sur le plan de leurs droits imposés à l’importation de chez leurs voisins, tout en générant davantage de revenus désormais vitaux, dans un contexte où leur pays – à sec – souffre de sanctions internationales depuis 13 ans. Les dirigeants et milieux des affaires libanais et jordaniens ont ouvertement exprimé leurs doléances à el Charaa et à ses collègues, et ont dénoncé la concurrence déloyale que leur livraient les marchandises turques amplement favorisées par des droits inexistants et qui, de ce fait, ont inondé le marché syrien ces dernières années.
Effondrement des prix
Il n’en reste pas moins que les nouveaux hommes forts de Damas ne sont nullement sous pression pour une raison simple, à savoir que les prix des denrées alimentaires se sont purement et simplement effondrés depuis la chute de la bande Assad. Le système mafieux mis en place par le dictateur et par ses comparses confisquait la quasi-totalité des importations de qualité à des checkpoints installés aux frontières avec ses pays limitrophes, pour les destiner à une infime élite syrienne et accessoirement aux 170’000 soldats qui constituaient son armée. L’effondrement d’Assad a donc eu pour effet automatique l’approvisionnement généreux des marchés et des épiceries syriens en produits de qualité, à des tarifs divisés par deux, voire plus, en comparaison à ceux pratiquées sous l’ère Assad.
Par exemple, le prix du kilo de pommes de terre a baissé de 9’000 livres syriennes à 4’000, celui des bananes libanaises est de 30% moins cher, celui de l’huile d’olive d’Idlib n’est plus que le quart de celui d’antan… Celui des cigarettes, autrefois monopolisées par les hommes d’Assad, s’est effondré de 13’000 à 7’000 le paquet. Le redressement spectaculaire de la livre syrienne, de 22’000 pour 1 $US sous Assad à 12’000 aujourd’hui est également un autre facteur non négligeable qui aura contribué à cet affaissement général des prix. Ce répit est bienvenu pour une population laissée-pour-compte sous l’ancien régime, dont 90% était sous le seuil de pauvreté, et pour un pays qui (selon la Banque Mondiale) a subi la liquéfaction de 85% de son P.I.B.