Né à Genève, Yann Le Houelleur (artiste précaire et rédacteur en chef du journal numérique Franc-Parler) se sent quelque peu malheureux dans une France souffrant d’une déliquescence avancée, sans doute aux portes de la guerre civile. Non sans nostalgie, il se souvient d’une trajectoire plutôt singulière : celle d’un enfant des « Trente glorieuses » qui n’aime pas l’époque actuelle et qui, dans ses rêves actuels, quitte la France devenue trop tumultueuse.

PAR YANN LE HOUELLEUR
A Paris, tout comme ailleurs, le ciel et l’actualité finissent par se confondre en cette fin d’été : la tour Eiffel a la tête enfouie dans des nuages sombres et touffus. Les nouvelles semées par les médias sont tout aussi sombres. Chaque jour, dans l’ensemble de la France, la liste des violences et des incivilités s’allonge à tel point que plusieurs citoyens éteignent leur télévision et se gavent de distractions mises à disposition par leur tablette. Selon leur couleur idéologique, les médias occultent, travestissent ou multiplient plusieurs aspects ces évènements dramatiques. Les antennes et les chaînes du service public (cinq milliards d’euros annuels aux frais du contribuable) ne diront jamais que la moitié des délits sont imputables à des individus de nationalité étrangère ; ce ne serait pas politiquement correct. A leur instar, les quotidiens régionaux ne mentionnent pas leurs prénoms de peur de saturer leurs colonnes de noms pour d’évidentes raisons : les flots de migrants qui s’intensifient – estimés à 500.000 inconnus par année rien qu’en France, suscitent la défiance de toute une partie de la population envers le pouvoir, plus particulièrement le président de la République. Un vent de révolte s’est mis à souffler, lequel pourrait mal tourner tant le ras le bol s’exacerbe.
Impossible d’absorber ces « hordes » (un mot certes péjoratif mais utilisés par maintes personnes) qui s’invitent dans des pays où il n’y a plus aucune croissance. Comment nier cette réalité : ces nouveaux arrivants rêvent de survivre et même de gagner de l’argent en Europe où ils espèrent, outre des postes de travail, des aides concédées par des Etats endettés (le cas de la France, de toute évidence). Un certain nombre d’entre eux sont recrutés par des organisations criminelles en quête d’une main d’œuvre très bon marché et asservie. Quelles sont-elles, ces mafias ? Citons par exemple les barons de la drogue dont le chiffre d’affaires en France atteindrait cinq milliards d’euros annuels et les mafias exploitant des magasins à ciel ouvert notamment les ventes de tours Eiffel miniature en plastique doré que de grands gars maigres à la peau sombre proposent aux abords des grands monuments parisiens. Mais ils sont nombreux, aussi, à montrer du doigt le patronat qui aspire à embaucher des travailleurs étrangers, pour autant qu’ils soient légalisés, dans le but de réduire le coût d’une main d’œuvre parmi les plus chères du continent.
Il faut le dire : les Français, mais aussi certains de leurs voisins tels les Allemands, n’en peuvent plus de ce qu’ils appellent « une submersion ». Parmi ces migrants, une proportion importante d’individus dont la culture et la religion contredisent le terreau judéo-chrétien dans laquelle l’Europe plonge ses racines millénaires.
Recrudescence de l’antisémitisme
Une question s’avère être incontournable : certains parmi les nouveaux arrivants sont soupçonnés d’être choqués par les mœurs occidentales et la place devenue enviable de la femme dans notre société. Cela ne peut qu’ajouter aux tensions en cours, à l’heure où les prémisses d’une guerre civile se précisent. Et il est choquant de voir que sur le sol de France des migrants rêvent d’une vie plus fructueuse alors que la communauté juive (seulement 500.000) est gagnée par un mal-être croissant, désormais tétanisée. Pas un jour ne se passe sans que des Français juifs soient victimes de menaces et carrément d’agressions, certaines d’une extrême violence, au point qu’ils sont de plus en plus nombreux à vouloir délaisser la France pour trouver refuge… en Israël.
Le silence d’Emmanuel Macron devient troublant : il se refuse à prendre la parole pour rassurer les Juifs et annoncer des mesures » concrètes contre cette peste qu’est l’antisémitisme. N’oublions pas que le locataire de l’Elysée a refusé de prendre part à la marche de soutien à la communauté juive organisée quelques semaines après le pogrom en Israël le 7 octobre 2024. Pourquoi cette attitude plutôt suspecte du président Macron qui a annoncé prématurément la reconnaissance d’un Etat palestinien ? Une hypothèse parmi d’autres : la mainmise du Qatar sur la France dont il détient, ainsi que d’autre Etats, une partie de la dette s’élevant à plus de trois-mille milliards de dollars.
Un moral en chute libre
L’une des conséquences de cette détérioration accélérée du « climat sociétaire » dans le second pays le plus peuplé en Europe est l’aggravation du moral et de la santé des Français. La joie de vivre, le désir de tolérance, l’aspiration à la liberté et à l‘épanouissement ont longtemps caractérisé les habitants de l’Hexagone. Oui, la France faisait rêver tant de terriens ! Je me souviens d’un touriste vietnamien avec lequel j’avais discuté tout en dessinant près de la place de la République. Il m’avait dit : «J’ai mis des sous de côté pendant trente ans pour découvrir Paris».
Dans les débats auxquels on peut assister lors d’émissions télévisées il est fréquent, maintenant, d’entendre de tels propos : « Nous sommes un peuple trop gentil et trop généreux vis-à-vis des étrangers qui viennent refaire leur vie chez nous ». Sous entendu : «(…) les étrangers bénéficient des largesses d’un Etat soucieux d’aider les plus malheureux.»
Dans une série d’articles à venir, pour autant que la Méduse m’accueille à nouveau à bord, je désire démontrer comment moi-même, j’ai souffert d’un vilain défaut contrastant avec les qualités françaises ci-dessus mentionnées: les Français ne s’aiment pas. Je l’écris d’autant plus volontiers qu’il me faut faire cette confidence, ici-même : je suis né à Genève d’une mère et d’un père tous deux possédant la nationalité française et suisse. A vingt ans, après mon service militaire (à Colombiers) j’ai tourné le dos à cette magnifique ville qu’est Genève et à ce pays tout à la fois singulier et sublime qu’est la Suisse. Ingratitude de ma part ?
La France, pays de mes rêves
J’avais l’impression, depuis ma plus tendre adolescence, que la France me permettrait d’exaucer mes rêves : me sentir moins isolé entre les remparts que sont les montagnes ceignant la Confédération helvétique. Chaque soir, j’écoutais Europe 1, son hit parade, son carillon annonçant à chaque nouvelle heure un flash info, et une libre antenne à minuit animée par un certain Gonzague Saint Bris. Pour moi, pas d’hésitation sur ce point : la France, c’était ma terre promise et je voulais être journaliste à Paris.
Premier grand déchirement de ma vie : quitter le cocon familial, un bel appartement route de Frontenex à Genève pour me retrouver dans une chambre de bonne à proximité du spacieux parc du Luxembourg : j’avais réussi le concours d’entrée au Centre de Formation des journalistes (CFJ). Par chance, mes parents, si aimants, m’ont beaucoup aidé mais j’ai dû mettre du beurre dans les épinards en travaillant le matin, avant de me rendre dans les bâtiments cossus du CFJ, à la rue François 1er où se trouvait la rédaction d’Europe 1. Je faisais des vacations (le Téléphone rouge).
La France, effectivement (de même j’avais la double nationalité) m’a accueilli à bras ouvert. Après avoir obtenu mon diplôme de journaliste, j’ai passé deux ans dans une tout autre rédaction : le quotidien Nord-Eclair dont le siège se trouvait à Roubaix, jadis une capitale de l’industrie textile aujourd’hui ravagée par la désindustrialisation. En proie à une hémorragie de lecteurs, Nord-Eclair est passé sous la coupe de son concurrent, la puissante Voix du Nord. Puis de retour à Paris j’ai fait des piges pour d’innombrables journaux et je n’ai pas obtenu le statut de journaliste salarié que je convoitais dans les rédactions de la capitale car, m’ont fait observer de nombreux confrères, « il n’y a pas d’avenir dans le journalisme en France, pas de place pour de jeunes professionnels comme toi… ».
Nous étions alors tout à la fin des années quatre-vingt et la fabuleuse période des « trente glorieuses » s’achevait. Alors (et j’y reviendrai dans un prochain article) j’ai fait en sorte d’obtenir un visa de journaliste au Brésil grâce à l’appui du regretté « Journal de Genève et Gazette de Lausanne ». Le rédacteur en chef de ce prestigieux quotidien hélas disparu à la toute fin de siècle dernier a signé une demande d’accréditation présentée au consulat du Brésil à Genève. La durée initiale du titre de séjour était de quatre ans. Non sans difficultés, il a été renouvelé cinq fois. Mais je ne me doutais pas que je susciterais maintes jalousies : des confrères suisses et français (j’écrivais aussi pour des publications en France) ont imaginé que j’avais la belle vie au Brésil, « le pays du futur »… C’était oublier que l’expatriation implique passablement de sacrifices, entre autres douleurs la rupture du cordon ombilical avec sa famille.

Dessin Yann Le Houelleur
(à suivre)
Vous mentionnez le chiffre de 500 000 entrées sur le territoire francais. Mais, dans ce domaine, il serait judicieux de parler de solde migratoire plutôt que des seules entrées. Et ce solde migratoire s’élève selon l’Insee à 190 000 personnes en 2023, soit 0,28% de la population.
Alors, certes, davantage de contrôles s’imposent. Mais ne tombons pas dans les excès obsessionnels de certains populistes qui, voulant « fermer le robinet », seront bien ennuyés le jour où les cuisines des restaurants ne fonctionneront plus et où le secteur de la construction sera paralysé par manque de bras.