Du bon usage des souliers: la vision de Jean Chrysostome


Chrysostome commence sa critique par une approche très économique. Il décrit ce que l’on appellerait aujourd’hui les processus économiques qui précèdent et permettent l’usage des chaussures. Voici quelques citations.

“Ne savez-vous pas à combien de malheurs les hommes s’exposent pour aller chercher dans les pays éloignés ces ornements superflus? Il faut construire des navires, avoir des hommes pour ramer, tenir le gouvernail, hausser et baisser les voiles. Il faut que tous ces hommes renoncent à leur pays, à leurs femmes et à leurs enfants, à leur vie même, qu’ils courent les mers avec mille peines et mille périls, et qu’ils trafiquent dans des terres étrangères et barbares, et tout cela pour avoir de quoi satisfaire la vanité humaine et faire de beaux souliers? Quoi de plus honteux que cette bassesse?” (Homélie 49, 5).

Chrysostome compare la fin et les moyens, sa conclusion est abrupte: ce processus s’apparente à de la frivolité.

Ensuite il fait preuve d’esprit prothétique: “Je prévois qu’avec le temps, les jeunes gens porteront sans rougir des souliers et des habits, tout comme les femmes en portent” (Homélie 49, 5). Ce texte a été écrit en 390!

Puis son analyse devient plus réaliste et fait appel au bon sens: “Considérez-en la fin et l’usage, et vous perdrez cette vaine recherche de superficialité. Le soulier n’est-il pas fait pour aller sans crainte au milieu des boues et traverser les chemins les plus mauvais? Si vous appréhendez tant de marcher, de peur que ces souliers si précieux ne se gâtent, prenez-les donc à votre cou, ou bien attachez-les à votre tête, afin qu’ils ne servent qu’à vous parer.”

“Vous riez, mes frères, mais moi j’ai envie de pleurer en vous disant cela. Car cette folie me perce le coeur, et cet attachement à des riens m’arrache des soupirs. Il y en a qui, pour éviter que leur soulier ne touche la boue, se mettront en danger de tomber dedans” (Homélie 49, 5).

Chrysostome met en évidence, dans ce paragraphe, ce que nous observons de manière évidente de nos jours. Le but de la consommation n’est plus de couvrir certains besoins tout à fait justifiés.Il est lié à l’image de soi. Il y a une déviation du but de la consommation, due à une méconnaissance de soi-même. Il y a une auto-construction de sa personnalité en fonction des images prônées par la société.

On voit que les abus de la consommation étaient déjà visibles au IV siècle. Aujourd’hui, le phénomène s’est généralisé, les dégâts sont aussi plus importants.

L’auteure es théologienne

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