Ngo Thi Kim Hoa est morte à la suite de trois injections de silicone destinées à augmenter le volume de ses seins. C’était en avril dernier. Elle avait 26 ans. Hoa a été transportée au service d’urgence d’un grand hôpital de Hanoï, mais il était déjà trop tard. Elle a succombé à une défaillance cardiaque et respiratoire. «Les victimes de ce genre d’accident peuvent être sauvées assez facilement si les vrais soins interviennent à temps, rappelle Le Nhan Tuan, inspecteur du Service de la santé de Hanoi. Mais les employés de l’établissement où elle était, le Phan Thi Kim Chi, manquent totalement d’expérience et de connaissances. Au lieu de l’envoyer immédiatement à l’hôpital, ils l’ont retenue dans leur clinique pour lui faire un massage, pensant qu’elle avait pris froid…» La patronne de ce salon, aujourd’hui en fuite, menait elle-même cette opération alors qu’elle n’avait aucune formation en la matière. Un avis de recherche a été lancé contre elle et le centre fermé immédiatement. Six mois plus tôt, les autorités avaient déjà exigé la fermeture de cet établissement qui pratiquait des opérations non autorisées.
Marché incontrôlé
Ce genre de fait divers est fréquent au Vietnam où hommes et femmes rêvent à des physiques occidentalisés. Les Vietnamiennes rêvent d’un corps mince (ce qui est leur cas) et de seins volumineux (ce qui est rare). Elles détestent leur nez «écrasé» et leurs paupières sans plis. Femmes ou hommes d’affaires croient que s’ils avaient des yeux plus grands ou une bouche plus large ils réussiraient mieux en affaires.
Hanoï compte 200 salons de beauté qui se sont en principe engagés à ne pas faire de chirurgie esthétique. Mais après à cette opération mortelle, les services de contrôle de l’État ont visité vingt de ces établissements : tous pratiquaient des opérations illégales. Parfois, ils engagent un médecin mais en général non spécialisé dans ce type de chirurgie. La capitale économique du Vietnam, Hochiminh-Ville, concentre aussi de nombreuses pseudo-cliniques clandestines. «Ces salons dépassent le cadre de leurs compétences, reconnaît l’inspecteur Le Nhan Tuan. Mais au Vietnam, le marché est tellement lucratif que des médecins n’hésitent pas à enfreindre la loi pour travailler avec ces salons illégaux. Ils peuvent être à l’origine ophtalmologues, dermatologues, orthopédistes, oto-rhino-laryngologistes et faire finalement de la chirurgie plastique.»
Ce manque de compétence et d’éthique mène inéluctablement à des accidents. Mai a ainsi perdu un sein à la suite d’une infection liée à une opération de remodelage. Thanh, elle, a souffert pendant longtemps d’une nécrose de la peau du ventre après une liposuccion. Elle a perdu beaucoup de temps et d’argent pour se faire soigner par la suite.
«La plupart des victimes viennent de la campagne, révèle le docteur Do Quang Hung, de l’hôpital Cho Ray, à Hochiminh-Ville. Des rabatteurs vont jusque dans les villages pour faire du marketing. Ils proposent des prix attrayants, genre 20 euros pour remodeler un nez. Ces femmes bien évidemment ne peuvent pas en mesurer les risques.»
Au prix de la qualité
Une opération coûte dix fois plus cher dans les cliniques légales. Celles-ci se comptent sur les doigts d’une main et n’arrivent pas à répondre à une demande croissante du marché. «La moitié de mes clients sont des Viet-Kieu (Vietnamiens d’outre-mer), explique le docteur Thanh Van qui tient un des établissements légaux. Parmi les locaux, il s’agit surtout d’artistes, de femmes d’affaires. Mais il y a aussi de plus en plus de femmes des catégories sociales moins aisées.»
L’opération la plus coûteuse est le remodelage des seins, qui s’élève à près de 3000 euros. Une liposuccion ou une opération des paupières sont facturées autour de 1000 euros. Des prix plus qu’absurdes pour une population dont le revenu moyen est de 50 euros par mois. Ils sont cependant abordables pour la classe des nouveaux riches, de plus en plus nombreux dans les grandes villes. Pour les Vietnamiens d’outre-mer, qui rentrent avec des devises, ce tarif est bon marché. «Ces opérations coûtent deux fois à cinq fois plus cher en Europe ou aux États-Unis, affirme Thanh Van. En plus, les Viet-Kieu aiment bien se faire opérer le nez au Vietnam, car un nez complètement européen ne correspondrait pas à un visage asiatique. Il nous est plus facile qu’à nos collègues occidentaux de trouver cette harmonie.»
En tout cas, quelle qu’en soit la raison, le nombre de Vietnamiens désirant faire une opération esthétique s’accroît chaque jour. Si bien qu’il semble impossible de faire disparaître les cliniques illégales même si les autorités vietnamiennes en avaient vraiment la volonté.
Syfia Vietnam