«La crise énergétique globale a déjà commencé»


Le «peak oil» (pic pétrolier), tout le monde en parle et nul ne doute de son caractère inéluctable. Mais le «peak oil», ce moment à partir duquel la production pétrolière mondiale va commencer à s’effondrer, empêche peu de monde de dormir. Ce sera pourtant un tournant dramatique, pronostique l’historien bâlois Daniele Ganser, 34 ans (www.danieleganser.ch). Ce transfuge du laboratoire d’idées «Avenir Suisse» est l’un des rares chercheurs helvétiques à consacrer tout son temps à la géostratégie.

Q: Daniele Ganser, le moins que l’on puisse dire est que vous aimez les dossiers brûlants. En 2005, vous avez publié un ouvrage consacré aux armées secrètes de l’Alliance atlantique («La Liberté» du 15 décembre 2004). Aujourd’hui, avec le pic pétrolier, vous changez de registre mais vous restez dans un domaine ultrasensible. Qu’est-ce qui motive vos choix?

R: Le sentiment qu’il faut combler les lacunes existant en Suisse en matière de recherche stratégique. En Grande-Bretagne, où j’ai étudié et tissé un réseau de relations, les aspects secrets dans les relations internationales ne sont pas tabous. En 1996, la préparation d’un premier livre sur la crise de Cuba et le rôle des Nations Unies m’avait déjà convaincu qu’on avait menti dans cette affaire pour des raisons géostratégiques. Le pic pétrolier m’intéresse depuis des recherches menées au Center for Security Studies de l’EPFZ où j’ai travaillé plusieurs années sur le thème de l’économie globale en tant que facteur de paix ou de guerre.

Q: Et maintenant vous préparez un livre sur le pic pétrolier dont la sortie est prévue en 2008…

R: Oui, et le résultat de mes recherches est déjà clair. La consommation de pétrole a explosé au cours des cinquante dernières années. Elle atteint aujourd’hui 85 millions de barils par jour contre 6 millions en 1945. Elle augmentera encore, peut-être jusqu’à 120 millions de barils, avant d’entamer une longue descente. Nous connaîtrons alors une crise énergétique globale, aucun doute là-dessus. Et ça c’est important pour la Suisse, car le pétrole est, avec 57%, la source énergétique la plus importante de notre pays, suivie de l’hydroélectricité (14%), du gaz (12%) et du nucléaire (10%). Le vent, le soleil et la biomasse représentent encore une part trop petite et ne suffiront pas à substituer le pétrole comme sources d’énergie de première qualité.

Q: Donc risques de déstabilisation et de guerres.

R: Oui, pour la plupart des stratèges aujourd’hui, le pétrole est le problème numéro un. L’utilisation rationnelle des ressources devient beaucoup plus importante. En fait, la crise énergétique globale a déjà commencé, le drame étant que Monsieur et Madame tout-le-monde n’en ont pas du tout pris conscience car la communication ne va pas dans le bon sens. On parle à tour de rôle de terrorisme, de consommation chinoise, d’hégémonie américaine sans voir que tous ces points sont liés. Sans réaliser qu’à moyen terme il ne sera plus possible de vivre comme aujourd’hui.

Q: En France, un franc-tireur de la politique comme Nicolas Hulot prêche un changement de mentalité décoiffant. Il faut tout revoir, de l’urbanisme à la production agricole. Signe des temps?

R: Avec les changements climatiques, nous allons finir par nous rendre compte que le système doit s’adapter. Nous devons revoir notre manière de consommer. Mais pour le moment, beaucoup d’entre nous demeurent encore des victimes consentantes du mensonge. Pour envahir l’Irak, on nous a fait gober le terrorisme, les armes de destruction massive. Le pire est que nous ne sommes pas prêts à contester ces prétextes car le pétrole est trop associé à notre mode de vie. Il est beaucoup plus facile de croire que le problème dans son essence est le monde musulman, donc pas nous. Nous aimons ces mensonges, et c’est pour cela qu’il est facile de les cultiver géostratégiquement.

Q: Vous posez la question de savoir si l’Administration américaine traque les terroristes ou bien le pétrole. Vous pensez au 11 septembre?

R: Plus d’un stratège a tracé un parallèle entre cette crise et l’occupation des centres pétroliers en Irak et la signature d’un contrat pour la construction de pipelines en Afghanistan. La destruction des tours de Manhattan est un crime très compliqué alors que tout le monde pense qu’il est très simple. Pour avoir planché des centaines d’heures sur ce sujet, je puis affirmer qu’il y a beaucoup de points obscurs dans cette affaire. Une grande querelle divise déjà les experts sur la question de savoir si c’est bien à Ben Laden qu’il faut attribuer l’attaque du 11 septembre. La controverse bat son plein entre trois versions. La première appuie la thèse officielle, celle du raid surprise. La deuxième dit: «Ben Laden est en effet à la source de l’attaque mais l’establishment américain le savait et a laissé faire.» La troisième n’attribue même pas à Ben Laden la responsabilité de l’attentat. Elle pense que l’on a intentionnellement fait exploser les tours. Cette thèse, si elle devait se vérifier un jour, est évidemment accablante pour une partie du Gouvernement américain. Il y a quand même eu 3000 morts!

Q: Et quelle est l’opinion de l’historien Ganser?

R: Pour l’instant je ne peux accréditer aucune de ces trois thèses. On ne peut en exclure aucune non plus, pour la bonne raison que la recherche n’est pas terminée. Des questions troublantes restent. Ainsi dans le cas de l’attaque du Pentagone, aucun document vidéo ne permet d’affirmer avec certitude qu’il s’est agi d’un avion de la compagnie American Airlines. Aux Etats-Unis, les experts s’étripent à ce sujet, certains affirmant qu’il s’est agi plutôt d’un missile. Tout cela amène évidemment à s’interroger sur la crédibilité de la thèse officielle. Pourquoi s’évertuer à imposer une explication quand il est plus simple de dire: «Je ne sais pas».

Q: Dans le journal suisse alémanique «Tages Anzeiger», vous vous interrogez aussi sur un événement très peu connu du grand public: l’effondrement d’un troisième bâtiment, la tour 7 du World Trade Center.

R: En effet, personne ou presque n’en parle officiellement et ce silence est pesant pour l’historien. Tout le monde pense que ce sont deux bâtiments, le WTC1 et le WTC2, qui se sont effondrés le 11 septembre 2001 à New York. Ce chiffre n’est pas correct. En fait ce sont trois bâtiments. Avec l’aide d’experts de l’EPFZ, j’ai analysé les documents à disposition. Le rapport officiel de juin 2004 sur l’attaque des tours ne mentionne pas le WTC7, ce qui est grave. Pourtant ce bâtiment de 170 mètres s’est effondré en 7 secondes comme un château de cartes sans que l’on soit parvenu pour l’heure à en déterminer les causes. En tout cas, aucun avion ou missile ne l’a percuté, sinon le rapport en ferait mention. Restent trois hypothèses: le tremblement de terre, le feu ou la démolition par explosifs. La première étant écartée d’emblée, la polémique fait rage sur les deux autres causes possibles, même si les experts avec qui j’ai parlé ne donnent que 1% de probabilité à la théorie plus ou moins officielle du feu. Donc s’il y a eu dynamitage, il est clair que l’on a menti pour créer un prétexte destiné à justifier les guerres du pétrole.

Q: Vous citez aussi un ex-inspecteur de l’ONU en Irak, un ancien manager du pétrolier Exxon Mobil, un ex-détective américain. Tous sont convaincus que les guerres en Afghanistan et en Irak ne servent que les intérêts stratégiques pétroliers. Et vous osez ce commentaire: «On nous a largement menti, et les médias ont aveuglément suivi et répété ces mensonges.»

R: Les gens se focalisent davantage sur le 11 septembre, qui est spectaculaire, que sur le pic pétrolier qu’on ne connaît pas encore bien. Comme ça ils deviennent les victimes d’un énorme mensonge. Ils subissent une propagande de guerre qui entraîne tout le monde dans un combat émotionnel antimusulman où le respect entre les cultures et la réflexion sereine n’a pas droit de cité. C’est le message que j’essaie de faire passer. Je suis un historien de la paix dont la motivation est l’espoir de sortir du cycle infernal de la violence et de la crise énergétique, ce qui est difficile. Les événements du 11 septembre et la série de guerres et des actes de terreur qui les ont suivis sont certes tragiques, mais il est plus essentiel de résoudre le problème du pic pétrolier en promouvant par exemple les énergies renouvelables et de parler honnêtement de la crise énergétique qui nous attend.

Propos recueillis par Christian Campiche

*Interview parue dans “La Liberté” du 27 décembre 2006

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