« J’ai toujours, en tant que rédacteur en chef, dû faire face à des pressions d’annonceurs, ainsi qu’à celles de notre direction commerciale, ce que je considère comme normal dans un journal. L’important est d’y résister. Ce que je me suis toujours efforcé de faire. »
« Toutefois, ces dernières années, cette problématique s’est nettement accentuée, en raison, notamment, de la concurrence toujours plus effrénée que se livrent les journaux pour conserver, voire faire progresser, leur part de gâteau publicitaire. Ainsi, l’éditeur a souhaité redéfinir la politique concernant les relations rédaction – annonceurs. Il a voulu introduire un nouveau concept rédactionnel allant «dans le sens des annonceurs». Il a d’ailleurs fait cette demande devant l’ensemble de la rédaction, fort étonnée de ses propos. Pour lui, plus question d’articles un tant soit peu critiques envers les annonceurs. Au contraire, il fallait tout faire pour leur plaire, en parlant positivement de leurs actions, produits, nouveautés, répondre à leurs demandes, etc. A son avis, l’indépendance de la rédaction est un concept dépassé. Il faut s’adapter aux nouveaux besoins… des annonceurs. C’était sa priorité en matière de politique rédactionnelle. Il est clair que je n’ai pas donné suite à cette demande, mais les pressions commerciales se sont faites plus vives, dès lors. »
« Un autre point à dénoncer, qui concerne tous les quotidiens, est celui des suppléments thématiques. Ce sont des pièges à pub. Ces suppléments ne contiennent quasiment jamais d’articles polémiques ou critiques; ceux-ci sont rédigés souvent par des non professionnels. Dans certaines rédactions, ces suppléments sont – ou étaient – placés sous la responsabilité directe des responsables commerciaux. »
« Autre préoccupation de l’éditeur: son souhait de voir diminuer les salaires des journalistes. Lors d’engagements, j’ai subi des pressions pour employer des non professionnels ou des journalistes sous-payés. Autre thème dominant de la pensée profonde de l’éditeur: comment améliorer la productivité des journalistes et faire des économies dans le budget de la rédaction? Je déplore le fait que l’éditeur ne se soit jamais intéressé au contenu du journal, sinon pour réclamer des baisses du budget de la rédaction. »