Elever les animaux pour les empailler et en faire un commerce est absurde et nuisible


Médecin-vétérinaire à Montréal, l’auteur exprime son désaccord à propos de la vente, dans un établissement québécois, d’animaux exotiques empaillés, notamment des chauve-souris frugivores, des lézards et des papillons.

À la rigueur, exploiter des animaux pour faire bombance et se pavoiser, passe encore, mais élever des animaux, les tuer puis les empailler et les encadrer, uniquement pour le plaisir, pour les accrocher sur un mur et faire “beau” est aussi absurde que nuisible.

Le fait que ce soit des animaux me dérange moins que la gratuité et la banalité du geste. Qu’il y ait une demande pour ce genre d’horreur en 3D ne lui confère pas davantage de légitimité que le commerce de la drogue ou la pédophilie.

À l’heure du réchauffement climatique, de la destruction des écosystèmes et d’une perte de biodiversité problématique pour notre espèce – et plus précisément pour nos propres enfants, car ce sont eux qui devront payer les pots cassés – il est troublant de constater qu’une telle attitude soit encore si répandue même dans les couches sociales les mieux éduquées et les plus fortunées.

L’ogre social, trop occupé à se remplir la panse, est insouciant, voire inconscient, mais mine de rien, ce sont de ces petits gestes anodins que se nourrissent les traditions les plus funestes, précisément celles qui nous donnent en l’occurrence le plus de fil à retordre. Nos problèmes sociaux, climatiques, écologiques et géopolitiques sont un épiphénomène de cette fixation mortelle pour la chair familiale. Serions-nous devenu complètement tarés à force de nous dévorer la queue comme Ouroboros, le serpent de la légende?

Il faut être fichtrement appauvri par la culture pour ignorer que la nature est en train de faire une indigestion suraiguë que les quotas de carbone et autres aspirines sont incapables de guérir. Nous ferions bien de donner aux enfants – la seule chance de salut pour notre espèce – les outils efficaces qui les aideraient à penser autrement et se sortir de l’impasse où nous les avons acculés, au lieu de les endoctriner, voire les abrutir dès le plus jeune âge pour en faire des proies faciles pour le Léviathan qui s’en repaît avec la bénédiction des parents qui sont à bien y penser d’un narcissisme gargantuesque pour mettre ainsi en pâture leurs propres descendants.

M. Al Gore a bon dos. À moins que chacun y mette du sien, dans sa propre économie interne, j’ai bien peur que son prix Nobel soit une forme de sentimentalisme où l’enjeu est moins le changement que l’espoir du changement avec la sensation de bien-être qu’il procure à petit prix. La tâche éminemment symbolique des agents sociaux de son acabit revient à dédouaner la collectivité en lui faisant croire que tout le monde n’est pas du même avis sur le sort cruel réservé aux autres espèces, à autrui et à la nature en général. Ces opportunistes de haut niveau sont grassement récompensés pour mettre en spectacle leur indignation sur la scène de la Divina Comedia, et ils le font avec panache, au point d’entretenir la fâcheuse illusion d’avoir les choses bien en main.

Tags: ,

Laisser un commentaire

Les commentaires sous pseudonyme ne seront pas acceptés sur la Méduse, veuillez utiliser votre vrai nom.

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.