Humeurs croisées autour de Sarkozy, Winock et Pierre Dac


J’aime bien lire plusieurs livres à la fois. Cela permet de faire coïncider l’humeur du moment avec un style de lecture conforme à son état d’esprit. Et aussi, cela met en perspective des idées qui n’ont, de prime abord, rien à faire ensemble, mais qui donnent soudain un relief, une nouvelle compréhension, une confirmation à une autre idée générale. Je m’explique.

Je suis en train de lire des considérations sur certains éléments historiques que Sarkozy cite dans ses discours (1). Par exemple l’Edit de Nantes. Il y voit une manifestation de tolérance religieuse et fait d’Henri IV, toutes proportions gardées, une sorte de précurseur de Président Laïque de la République.

Il omet, sciemment sans doute, toutes les restrictions comme l’interdiction du culte protestant à Paris et dans d’autres villes: Toulouse, Reims, Dijon et même Nantes… En réalité l’Edit instaure des garde-fous, des limites au protestantisme. Il marque la victoire du catholicisme et instaure une tolérance – le mot étant pris dans son sens péjoratif d’un regard qui vient de haut, des nantis qui regardent le grouillement des petits, des faibles. Il est certes indéniable et licite – moralement ou intellectuellement – de considérer cet Edit comme une première tentative de tolérance. D’affirmer que c’est mieux que rien.

De là on doit penser que l’on peut toujours trouver dans les textes, tout et son contraire. Que la Bible et le Coran, autre exemple, sont remplis de contradictions. Et cela nous ramène au fameux exemple du verre à moitié plein, ou à moitié vide. Faut-il se réjouir que ce verre soit à moitié plein ou se désoler qu’il soit à moitié vide. Je suis très content d’avoir trouvé une réponse, que je crois parfaitement pertinente, à ce dilemme; cela dépend de la soif qu’on a! Métaphore que l’on peut filer dans tous les cas semblables

Quand je lis un ouvrage de Michel Winock (2), ce merveilleux historien de la Révolution française à aujourd’hui, je suis d’abord fasciné du plaisir de la lecture – ces essais d’histoire politique se lisent comme des romans – et, en plus, j’y trouve plein de conflits passés qui ressemblent, dans le fond, à des conflits actuels. Ce qui me frappe, c’est que les solutions de ces problèmes anciens, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, ne semblent en rien inspirer les décideurs contemporains qui font les mêmes erreurs qu’auparavant. C’est dommage, bien des conflits auraient pu être évités. Et puis on a le sentiment que la connaissance de l’histoire ne sert à rien.

Dans un tout autre domaine, la lecture des humoristes, comme Pierre Dac (3), nous fait bien rire. L’art qu’il a de jouer avec les mots a certainement influencé Raymond Devos. Mais, dépassant parfois le loufoque ou l’absurde, une réflexion vous frappe et vous fait passer dans une dimension, dans un monde, où le texte prend un sens inattendu et soudain, étrangement intéressant. Exemple: “Le proverbe qui dit aux innocents les mains pleines, se garde bien de dire au juste de quoi sont pleines les mains des innocents” ou encore “Si la fortune vient en dormant, cela n’empêche pas les ennuis de venir au réveil”.

(1) Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France
Éditions Agone, mars 2008 ISBN 978-2-7489-4

(2) Tous les ouvrages de Michel Winock, professeur émérite à Science-Po. Collection Point, série Histoire, Éditions du Seuil.

(3) Les Pensées de Pierre Dac, Editions de la Seine et Éditions du Cherche Midi.

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