La Suisse n’est pas membre du G20, ses ministres ne se gênent pas de critiquer le forum économique créé en 1999, mais elle n’en est pas moins l’un des élèves les plus zélés du sommet des sommets.
PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Peu après la fin du dernier G20, elle offrait 10 milliards au FMI. Sympathique mais nullement spontané.
Quelques mois après son multiple pontage, le ministre des Finances helvétique a une méthode très personnelle de soigner son rythme cardiaque. Hans-Rudolf Merz est sans cesse dans les starting-blocs pour être sûr de devancer d’une longueur une opinion publique versatile. Il s’est d’abord empressé de refiler à Washington la liste des fraudeurs du fisc américain. Aujourd’hui, il accourt à la rescousse du très controversé gendarme de l’endettement.
La guerre
Dix ans après l’affaire des fonds en déshérence se répète le scénario du racket. Tu me refiles le magot, sinon je bousille ton paradis. Telle une bourgeoise agressée par des voyous, la Suisse affecte l’indignation. Elle brandit un sac, un parapluie. Elle ne réalise pas qu’elle est dans une guerre. Les Etats cherchent par tous les moyens à financer leurs ruineux plans de relance. Comme les conquérants d’autrefois, il vont prendre l’argent là où il se trouve. Chez les peuples riches. Et s’il le faut, avec la bénédiction d’une autorité morale. L’OCDE, par exemple.
«L’OCDE a complètement changé de bord. Auparavant, elle n’aurait jamais placé la Suisse dans une liste de paradis fiscaux. Elle l’a fait probablement suite aux pressions du G20», estime pour sa part Grégoire Duhamel, auteur de l’ouvrage «Les paradis fiscaux» dont la dernière édition est parue aux Editions Grancher en 2006.
Le 19 mars 2001 déjà, interviewé par nos soins dans les colonnes de «La Liberté», le même Duhamel (pseudonyme derrière lequel se cache un financier français) mettait en garde la Suisse contre les pressions qui allaient s’exercer sur elle. Voici ce qu’il prédisait: «Vers 2010, il faudra compter sur de sérieuses turbulences. Le danger, pour la Suisse, vient des places offshore anglo-saxonnes. (…) Je ne suis pas loin de penser que les îles Anglo-Normandes conserveront leur statut de paradis fiscaux, en dépit des pressions de Bruxelles».
La pêche aux listes
Huit ans après, la question n’est plus de savoir si la Suisse cédera sur telle ou telle question fiscale. «Sur ce point, elle devra lâcher du lest, analyse Grégoire Duhamel. Non, l’aspect le plus délicat est l’échange d’informations. Les Allemands et les Français veulent aller à la pêche, obtenir des listes. La Suisse saura-t-elle opposer une fin de non-recevoir à l’inquisition fiscale? Tout dépendra de la volonté politique de la Confédération». Le secret bancaire, dans tout ça? Grégoire Duhamel: «C’est du donnant-donnant. Si la Suisse applique les normes fiscales, notamment sur les successions, elle obtiendra l’anonymat.» Dit autrement: rançonnée, la Suisse paiera. En échange elle obtiendra la paix, sauvant son fonds de commerce. L’histoire se répète, dans le fond. Malléable à souhait, le secret bancaire est une institution à géométrie variable. Il survivra à la punibilité de l’évasion fiscale comme il a survécu à d’autres crises. Sa fin attendra les calendes.
“La Liberté” du 15 avril 2009