«J’apprécierais que Marcel Ospel ne vienne pas à Rougemont». L’avis mérite considération quand on sait qu’il émane d’un conseiller aux Etats originaire par sa mère de Rougemont, avocat de surcroît. Il s’agit de Luc Recordon.
Le député vaudois est-il l’un des trois mousquetaires à avoir déposé une opposition contre l’installation de Marcel Ospel en pays rodzemounais (cf. «La Liberté» du 3 juin 2009)? «Non, répond l’intéressé, mais on ne peut pas faire n’importe quoi en zone agricole. Qui me dit, en effet, que la rénovation du chalet ne donnera pas le prétexte à la création d’une route en un endroit qui n’en comporte pas. D’autant que le projet soumis à l’enquête publique prévoit la création de deux places de parc.» Le verdict du Service vaudois d’aménagement du territoire est attendu d’ici à la fin du mois.
Dérogation accordée
Il est clair que la présence à Rougemont d’un personnage aussi controversé que Marcel Ospel suscite des réticences, voire des gestes d’humeur qui ne peuvent pas se manifester directement parce qu’ils ne seraient pas juridiquement recevables. L’ex-banquier, en tant que citoyen suisse, a le droit le plus entier de s’installer à Rougemont. Reste que la propriété au lieu-dit la Sisounette se trouve en zone agricole. En outre, elle est loin de ressembler au lopin habituel dans nos contrées puisqu’elle s’étale sur près de… 58 000 m2.
Que Marcel Ospel ait été autorisé à acheter un terrain d’une telle dimension en zone agricole (payé 225 000 francs, selon «Le Matin»), voilà qui suscite l’étonnement des spécialistes. «Il faut une dérogation en application de la loi sur le droit foncier rural», précise Claude Hababou, agent immobilier à Genève, qui ajoute que «cela paraît vraiment grand pour un non-agriculteur».
Vérification faite auprès du registre foncier de Château-d’œx, la dérogation a bien été accordée et elle est définitive. Une faveur rare donc, comme on le laisse entendre à Rougemont où ce genre d’acquisition passe pour un «rêve inaccessible», d’autant qu’il suffit qu’un paysan exprime son intention d’acheter pour que la préférence lui soit accordée. Pourtant, aucun agriculteur ne s’est manifesté bien qu’il y ait dû y avoir dans la «Feuille officielle» une publication qui n’a pas attiré l’attention.
Même commentaire à Gstaad où Denis Burrus, de l’agence immobilière Burrus & Joos, estime lui aussi qu’une telle acquisition n’est pas usuelle. Il est vrai que Marcel Ospel était bien placé pour connaître le marché ayant déjà un pied dans la région puisqu’il y aurait fait, il y a trois ou quatre ans, l’acquisition d’un appartement à Gstaad, dans l’immeuble Le Cerf à Bissen. Les prix ne sont pas du tout les mêmes: on parle de 20 000 à 40 000 francs le mètre carré dans la station de l’Oberland bernois, alors que la même surface se traite entre 10 000 et 20 000 francs à Rougemont. A ces prix considérés comme abordables, Rougemont attire déjà une clientèle de bon standing, avec une certaine préférence de la part de représentants du secteur bancaire: de notoriété publique, la station des Alpes vaudoises accueille notamment des banquiers privés de haut vol.
Tel qu’il est situé au milieu d’un vaste terrain, le chalet de Marcel Ospel offre l’avantage de ne pas laisser la place à d’éventuels voisins. En théorie, la perspective existe d’un déclassement en zone à bâtir avec la possibilité de revendre non pas à 4 ou 5 francs le mètre carré mais bien aux prix évoqués un peu plus haut. Une perspective assez lointaine compte tenu de l’éloignement du village, estime-t-on à Rougemont.
Au secrétariat communal, Florian Aeberli relève que la municipalité attend la prise de position du canton de Vaud et n’est pas pressée de se prononcer sur les trois oppositions qui se sont manifestées contre les projets de transformation concernant le chalet dont on relève par ailleurs à quel point il a conservé un caractère authentiquement paysan donc, il faut bien le dire, assez inconfortable.
*Article paru dans “La Liberté” du 10 juin 2009