Moi, Antigone ?


PAR BERNARD WALTER

Au cours de  l’histoire littéraire humaine, quelques figures sont apparues, devenues mythes tant elles incarnent des modèles et interrogations universelles.

Parmi celles-ci Antigone, pour qui la piété familiale est sacrée et qui sacrifie sa vie pour accorder une sépulture à son frère rebelle. Antigone, incarnation de la résistance à l’autorité temporelle au nom de valeurs morales.

Jamais le rapport de l’individu face à l’Etat n’a été plus profondément illustré que dans cette  figure mythique d’Antigone.

Helmut Richter, un poète de l’ancienne République Démocratique Allemande (Allemagne de l’Est)  dont le régime autoritaire et bureaucratique est tombé avec la chute du mur de Berlin, a écrit un texte aux allures de sonnet consacré au thème d’Antigone, thème qu’il revisite de façon très inattendue.

Dans le texte de Richter, Antigone, ce n’est plus l’autre. Au moment où elle descend de son piédestal, il n’y a plus d’héroïne incorruptible pour défendre à ma place ce que je crois être vrai et juste. Antigone devient moi. Seul contre tous, est-ce que je parle ? Et si je ne parle pas, qui se lèvera pour dire les choses ?

La question sans cesse se repose. Dans toute société humaine.

Antigone Anno jetzt

Als sie aufgestanden war, stand sie allein.

Ringsum Menschen, die sie lange kannten,

aber nun die Blicke auf sie wandten,

so als würde sie hier eine Fremde sein.

Und sie sah an mancherlei Gebärden,

welche böse Lust die andern überkam.

Wenn sie jetzt Partei für ihren Bruder nahm,

würde sie in tiefstes Schweigen eingemauert werden.

Da verliess Antigone der Mut.

Denn ihr selbst schien jetzt, es sei nicht gut,

ganz alleine aufzustehen.

Also setzte sie sich wieder.

Und nun schlugen alle ihre Augen nieder,

als sei etwas Schreckliches geschehen.

Helmut Richter DDR 1963

Antigone ici et maintenant

Lorsqu’elle s’était levée, elle était seule.

Tout autour d’elle, des hommes et des femmes qui la connaissaient depuis longtemps,

mais qui maintenant portaient sur elle des regards

qui disaient qu’elle était ici une étrangère.

Et elle reconnut à bien des gestes

quels sentiments de haine habitaient les autres.

Si maintenant elle prenait le parti de son frère,

elle serait emmurée dans le plus profond silence.

Alors le courage abandonna Antigone.

Car il lui semblait maintenant à elle-même qu’il n’était pas bon

de se lever seule.

Et elle s’assit.

Alors tous baissèrent les yeux,

comme si quelque chose de terrible venait de se passer.

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