PAR MARC SCHINDLER
Vous nʼaimez pas le Big Mac et vous nʼen mangez jamais. Tout comme moi. Je suis sûr que les rédacteurs et les lecteurs de “The Economist”, le sérieux hebdomadaire britannique, nʼen mangent jamais non plus. Mais les économistes les plus sérieux du monde entier consultent lʼindice Big Mac, créé en 1986 par “The Economist”.
Shocking ! Pas du tout. Suivez le raisonnement des gourous de la City. Comment voulez-vous comparer le pouvoir dʼachat dʼun cadre new-yorkais avec celui dʼun employé de Tokyo ou celui dʼun éleveur de moutons néo-zélandais avec celui dʼune secrétaire parisienne ? Elémentaire, mon cher Watson ! Il suffit de trouver un produit utilisé dans le monde entier et dont la composition et les coûts de production sont comparables. Et le plus simple, cʼest le Big Mac : ses matières premières sont partout les mêmes, ses services aussi. Et le prix de vente est fixé en monnaie locale. Voilà un moyen simple de mesurer la parité du pouvoir dʼachat, cʼest à dire de comparer le pouvoir dʼachat de toutes les monnaies par rapport au dollar.
Il fallait vraiment être Anglais pour trouver cela. Cʼest ce que “The Economist” appelle la “burgernomics”, en franglais lʼéconomie du Burger. Ne souriez pas. Depuis 24 ans, tout le monde prend cet indice au sérieux. Parce quʼil permet de mesurer grossièrement si une monnaie est surévaluée ou sous-évaluée par rapport au dollar. Et alors ? Lʼindice Big Mac nous révèle ce que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel nous cachent : lʼeuro est surévalué. Comment savent-il ça, les Angliches ? Eh bien, en juillet, le Big Mac valait 3.73 dollars aux Etats-Unis et 3.38 euros dans lʼUnion européenne. Au taux de change actuel, cela met le “délice” de MacDonaldʼs à 4.33 dollars. Autrement dit, lʼeuro est surévalué de 16% ! Perfide Albion !
Autre comparaison : le Big Mac, qui coûte 3.73 dollars aux Etats-Unis, ne coûte que lʼéquivalent de 1.95 dollar en Chine. Bon, admettons. Mais quʼest-ce que ça change pour moi et pour mon entreprise ? Mais ça change tout, explique “The Economist”: “Une monnaie faible améliore la compétitivité dʼun pays en rendant ses exportations moins chères. Cela encourage aussi les consommateurs nationaux à remplacer les importations chères par des produits nationaux”.
Ca y est : vous comprenez pourquoi les produits français se vendent mal à lʼétranger et pourquoi la Chine inonde le monde avec ses produits bon marché. Mais il y a encore pire : cʼest le franc suisse. Au pays du coucou, le Big Mac se vend lʼéquivalent de 6.19 dollars. Le franc suisse est donc surévalué de 66% par rapport au dollar. La Banque nationale suisse tente régulièrement de faire baisser le cours de sa monnaie, pour sauver son industrie dʼexportation. Mais, comme le relève un commentaire, si le Big Mac est cher en Suisse, cela nʼest pas seulement dû à la cherté du franc suisse. Cela vient aussi des mesures de soutien à lʼagriculture et à lʼindustrie alimentaire, qui renchérissent les produits agricoles, notamment la viande de boeuf pour faire un Big Mac. La Suisse a une politique qui veut assurer que, en cas de crise, comme pendant la Seconde guerre mondiale, les fermiers pourront nourrir la population.
Le Big Mac Index peut mesurer la parité de pouvoir dʼachat. Mais il ne sait pas mesurer la confiance dans une monnaie. Si les investisseurs et les fraudeurs du fisc placent leur argent en Suisse, ce nʼest pas parce que le Big Burger y est plus cher quʼailleurs. Ils nʼen mangent probablement pas. Cʼest parce que le franc suisse est une valeur refuge et parce les capitaux ont confiance dans les banques suisses et dans la politique monétaire de la Confédération. Rien à voir avec les milliards de dettes de lʼUnion européenne et des Etats-Unis. Ni avec les impôts et les taxes qui font fuir les gros contribuables et encouragent les petits à travailler au noir.
Ca y est, vous avez pigé ? Comme le disait Bill Clinton : “itʼs the economy stupid !”