L’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) a mené une étude sur les conséquences sociales et économiques du Mondial qui s’est achevé en juillet 2010. Ses résultats sont accablants. Les coûts pour le gouvernement sud-africain sont supérieurs de 1709 % à ce qui était initialement prévu: ils se sont élevés à 5,5 milliards au lieu de 321 millions de francs suisses. La Coupe du monde a, en définitive, entraîné une perte nette de 2,8 milliards de francs pour l’Afrique du Sud. De son côté, la FIFA a enregistré un gain de plus de 3 milliards, ainsi que, par rapport à la Coupe du monde 2006, une hausse de ses bénéfices de 50 %. Elle avait auparavant obtenu du gouvernement sud-africain que ses gains et ceux de ses partenaires, soient exemptés d’impôts. Un porte-parole des autorités fiscales sud-africaines a tenu des propos très explicites à ce sujet : «Les privilèges que nous avons dû octroyer à la FIFA étaient tout simplement excessifs. Ils ont rendu impossible le moindre gain financier pour l’Afrique du Sud.»
Contrairement aux projections officielles, le Mondial n’a pas généré de places de travail nouvelles et durables. À fin juillet, le taux d’occupation avait diminué de 4,9 % par rapport au même mois de l’année précédente. Dans le secteur de la construction, 111 000 emplois ont disparu entre juin 2009 et juin 2010. En revanche, les cinq plus grandes entreprises de la construction actives en Afrique du Sud ont connu une très nette augmentation de leurs bénéfices: de 110 millions de francs en 2004 à 1,4 milliard en 2009. Durant cette même période, les salaires de leurs directeurs ont augmenté en moyenne de 200 %. Les ouvriers et ouvrières de la construction ont, quant à eux, dû mener 26 grèves pour arriver à des hausses de salaire qui couvrent le renchérissement du coût de la vie. L’écart de salaire entre un travailleur ordinaire de la construction et un directeur est passé de 1:166 à 1:285.
Personnes expulsées
Parmi les 10 stades construits ou agrandis en vue de la Coupe du monde, trois au moins sont trop grands et trop onéreux pour pouvoir être utilisés sans générer de coûts supplémentaires. La construction d’infrastructures, et en particulier de stades, a abouti, selon des estimations de l’ONU, à ce qu’environ 20 000 personnes soient expulsées de leur logement.
Les 5,5 milliards de francs investis en vue du Mondial auraient pu être affectés à d’autres priorités. La plupart de la population sud-africaine vit dans des conditions inhumaines: 7,5 millions de personnes (40 % de la population) sont sans emploi, 8,4 millions de personnes vivent dans des bidonvilles et des logements sont nécessaires pour au moins 12 millions de personnes.
La FIFA n’éprouve aucune mauvaise conscience
Il n’y a rien de choquant à ce que le Mondial ait été organisé en Afrique du Sud. En revanche, il est extrêmement choquant que la FIFA utilise le slogan «Pour le bien du jeu, pour le bien du monde», alors qu’elle se soucie exclusivement de son propre profit. Elle pourrait utiliser sa formidable influence pour que le Mondial profite aussi à la population locale. Au lieu de cela, elle émet de fausses promesses et ne se préoccupe nullement du respect des droits humains.
La FIFA n’éprouve aucune mauvaise conscience. Elle exige au contraire une exemption totale de tout impôt direct ou indirect lors du Mondial 2018. Elle justifie cette exigence par le fait qu’elle paie déjà des impôts en Suisse. C’est pourtant faux: la FIFA est considérée comme une organisation d’utilité publique et est, par conséquent, exemptée de tout impôt fédéral direct. Le parlement a refusé, en juin de cette année, d’abolir ce privilège.
Plus de fair-play lors du prochain Mondial
Le même scénario que lors du dernier Mondial risque de se répéter au Brésil, lors de la prochaine Coupe du monde, en 2014. L’OSEO exige par conséquent de la FIFA et de son président, Sepp Blatter, du fair-play également en dehors du terrain. La FIFA doit user de son influence pour faire en sorte que le Mondial ne profite pas uniquement à elle-même et aux entreprises de la construction, mais aussi aux habitant(e)s du pays organisateur.
L’auteur est collaborateur de campagne à l’OSEO. Article paru sur www.uss.ch. Photo: OSEO / Christian Engeli