Avec la démission du 1er ministre Shafiq jeudi dernier, c’est sans aucun doute une nouvelle page de l’histoire égyptienne qui se tourne. Le départ de celui qui avait été désigné par Moubarak dans l’espoir de calmer les manifestants, a provoqué des mouvements de foules vers les immeubles de la Sécurité d’Etat (Amn Al Dawla en arabe). Redoutée et détestée par la population, c’est elle qui a pendant 30 ans a scruté, analysé, rapporté les moindres faits et gestes de la population et fait fait disparaitre les citoyens suspects, ceux qui présentaient une menace à la stabilité du régime. Même si la plupart des documents compromettants ont été détruits avant le départ de Shafiq, hier des snipers étaient encore postés sur les toits pour empêcher les manifestants d’avoir accès aux archives. Les coups de feu ont conduit l’armée à intervenir. Une fois à l’intérieur, le sentiment est le même que celui des libyens découvrant les installations secrètes de Kadhafi. On y découvre des cellules, de longues allées souterraines de dossiers, des fausses portes, et même des tombes…
Certains, ébahis, se saisissent des documents sur les étagères et se mettent à lire les rapports dressés sur des particuliers ou des affaires sérieuses comme l’attaque meurtrière d’une église d’Alexandrie en janvier dernier. Des vidéos sont saisies, certaines seraient même des “sex-tapes”, probablement objet de chantage sur quelques personnalités en compagnie compromettante. On se demande comment elles ont été tournées…
Incrédules, des manifestants décident d’emporter des dossiers à la maison à la recherche de preuve d’atteintes aux droits de l’homme, pour ensuite attaquer en justice les responsables impliqués. La tendance a poussé l’armée à envoyer par sms son communiqué n°27, incitant les plus zélés à lui faire confiance sur la poursuite et la sanction des anciennes personnalités du régime. Le dépouillement a commencé dans la ville d’Alexandrie, pour ensuite monter au Caire et il touche maintenant tout le pays.
Les jeunes de la place Tahrir Shafiq ont longtemps réclamés le remplacement de Shafiq, qui s’accrochait au poste. Probablement à la demande de Moubarak, conscient que ce dernier fidèle officiel constituait le dernier rempart avant de toucher au cœur la citadelle et supprimer le système à jamais.
Désormais, c’est un projet de Wikileaks version égyptienne qui attend de voir le jour grâce aux documents saisis. Il risque d’être bien plus passionnant que l’original.
Article paru sur le site “Tremblements d’Egypte“