On est toujours le «Grec» de quelqu’un


Un magazine zurichois a publié récemment, sous le titre «Les Grecs de la Suisse», un article peu amène envers la gent romande, qualifiée de profiteuse de la nation. On est toujours le «Grec» de quelqu’un, pourrait-on répliquer à ces plumes de Harpies. 

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Déambuler un samedi soir dans les rues du centre de Genève a aujourd’hui quelque chose de déroutant pour un Lausannois. Là où autrefois grouillait la vie, règne le silence et la défiance. Pas un seul bancomat en vue à certains endroits de la rue du Rhône, centre névralgique de la consommation de luxe. Un petit atroupement de sans-papiers constitue la seule animation de l’endroit. Même le tram se fait rare sur une ligne jadis très fréquentée.

De retour en son fief quelques heures plus tard, le Vaudois ne pourra que constater une fois de plus l’abîme qui sépare les deux métropoles lémaniques. A Lausanne, la vie nocturne bat son plein.

Ce n’est pas un cliché anti-genevois. La ville du bout du lac souffre d’un mal-être profond. Ses banques et sa police ont le blues, ses politiciens s’invectivent. Le «Matin dimanche» se fait l’écho, dans sa dernière édition, des grands ouvrages de la république – Musée d’art et d’histoire, PAV (Praille-Acacias-Vernets, Trafigura) – paralysés par des recours à répétition. Et comme s’il souvenait qu’il est d’abord un journal vaudois, l’hebdomadaire pousse la cruauté jusqu’à recenser dans les deux pages suivantes, les chantiers qui, à 60 kilomètres de là, feront le Lausanne de demain: nouveau stade, gare CFF, pôle muséal. Genève qui pleure, Lausanne qui rit, le jour et la nuit dans les relais médiatiques.

L’avenir dira si Lausanne aura le dernier mot dans cette compétition entre divas du pourtour lémanique. Pour l’heure, même le sport ajoute son grain de sel, histoire de desservir la cause de l’une et de promouvoir l’image de l’autre. Le fier Servette ne sait plus à quel totem se vouer depuis que son dernier président a pris la poudre d’escampette en le laissant sur le carreau. Xamax rayé des tabelles, Sion déclassé, le FC Lausanne commence à engranger des points et devient le seul espoir du ballon rond romand. Qui l’aurait cru il y a quelques mois?

Un magazine zurichois a publié récemment, sous le titre «Les Grecs de la Suisse», un article peu amène envers la gent romande, qualifiée de profiteuse de la nation. Les latins sont les cancres, la statistique des performances économiques l’atteste. En plus ils picolent. On est toujours le «Grec» de quelqu’un, pourrait-on répliquer à ces plumes de Harpies. Par exemple, quelqu’un, sur les bords de la Limmat, s’est-il posé la question des responsabilités dans la débâcle de quelques monuments nationaux? Qui a  coulé Swissair? Qui a torpillé la première banque helvétique? Qui a entraîné la BNS vers les abîmes de l’opprobre?

Plus près de nous, on peut s’inquiéter des dangers qui pèsent sur la qualité de l’information, une réalité peu commentée au-delà de la Sarine, et pour cause. Contrairement aux journalistes romands, les journalistes de la presse écrite alémanique se voient privés de convention collective de travail (CCT) depuis 2004! La Radio télévision suisse (RTS) a encore sa CCT, mais pour combien de temps encore?, s’interroge le personnel de la RTS qui a manifesté, ce 6 mars 2012, devant les locaux des deux services publics à Lausanne et Genève. Des employés conscients que défendre la CCT, ce n’est pas seulement se battre pour des acquis matériels mais aussi militer en faveur d’un enjeu citoyen et démocratique dont il est étonnant qu’il ne soit, pour l’instant, débattu que chez les «Grecs» de la Suisse.

Photo Suzanne Perret: L’horloge de Cornavin à Genève

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