Un avenir radieux

A peine élu, contre toute attente, au Gouvernement genevois, Pierre Maudet s’est vu qualifier par plusieurs clampins des médias de futur conseiller fédéral. Le pauvre.

PAR PIERRE NICOLAS

Ils ne peuvent pas s’en empêcher, ils n’ont rien d’autre dans le citron! Dès qu’une tête dépasse, à peine qu’elle dépasse, ça te prend des airs inspirés et ça lâche: futur conseiller fédéral. Curieuse manie de destiner les têtes qui dépassent à atterrir dans le cénacle politique suisse où l’on est sûr qu’elle ne pourront plus rien dépasser.

On nous dira, regardez en France, c’est pire, les gesticulations des présidentiables autoproclamés. Ces danses du ventre ne sont pas très affriolantes effectivement. Pire? Au moins le point de mire a-t-il là-bas quelque grandeur, tandis qu’ici, faire le singe des années durant pour atterrir dans un éteignoir sous la Coupole n’est pas vraiment folichon.

Par ailleurs, entrer dans un gouvernement cantonal ne prédispose en rien à accéder au Palais fédéral, bien au contraire. Il en allait autrement naguère, et c’est bien dans des cantons qu’on était allé chercher des Willy Ritschard, René Felber, Ruth Metzler, Micheline Calmy-Rey… Mis à part le cas d’Eveline Widmer-Schlumpf, ministre grisonne lors de son irruption sous la Coupole, parce qu’il fallait impérativement chercher en dehors de l’Assemblée quelqu’un susceptible de faire échec à Christoph Blocher dont les troupes contrôlaient l’Assemblée, elle donc mise à part, il faut remonter douze années pour voir un magistrat cantonal accéder au Conseil fédéral. Les cantons, ça eu payé, ça paye plus.

Malgré ça, l’officialité ne peut s’intéresser à une personnalité cantonale que si elle y voit un futur consfed. Dans le cas de Pierre Maudet, c’est la NZZ, la vieille tante de Zurich, qui aura donné le signal des appréciations stupides en le comparant à Jean-Pascal Delamuraz. Heureusement qu’ensuite une autre comparaison, avec Pierre-Yves Maillard cette fois, a imposé d’autres considérations que ces fantasmes fédéraux. La comparaison était certes aussi bancale, mais elle faisait implicitement à Pierre Maudet ce crédit, et c’est tant mieux, de s’être fait élire en vue de faire oeuvre politique plutôt que de franchir un degré d’une escalade.

Pour la grimpette fédérale, il faut aller tout de suite au Conseil national ou, plus sûr encore mais plus difficile, au Conseil des Etats, tout en acceptant de bringuer des années dans les travées. C’est ce qu’ont bien compris des grimpions à la Christian Lüscher ou à la Christian Levrat, qui n’ont pas été du genre à perdre leur temps dans un exécutif cantonal.

Ou cet autre, vous savez, une fusée politique, arrivé tout jeune au Conseil des Etats. Impressionnant. Il parlait bien. Il disait pas grand’chose mais le disait bien. Assez vite les augures du marigot l’ont désigné comme futur conseiller fédéral. On nous la ramenait à intervalles réguliers. Et on interrogeait ce jeune premier sur tas de choses, y parlait toujours bien. 
On l’entend moins parler aujourd’hui, même si de temps à autre, coucou, il fait encore signe. Comment s’appelait-il déjà? Oui, Alain Berset! Bon sang, mais c’est bien sûr, j’avais oublié, c’est qu’il y est, au Conseil fédéral. Le pauvre.

Article paru dans “Courant d’Idées

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