Votre smartphone vaut de l’or


Pendant que les Français votent pour élire leur maire, que ses amis essayent de sauver le soldat  Sarkozy, que les ministres du gouvernement Ayraud jouent aux chaises musicales, en attendant le prochain remaniement, les big boss des télécoms jouent au poker menteur.

PAR MARC SCHINDLER

C’est la valse des milliards, le bal des ego pour mettre la main sur la poule aux oeufs d’or… pardon sur votre smartphone.

Vous le saviez, vous, que votre iPhone ou votre Samsung valait des milliards? Ce feuilleton téléphonique ne passionne pas la foule des usagers, qui n’y comprennent pas grand chose. Pourtant, le scénario est palpitant, les acteurs redoutables. C’est Shakespeare mâtiné de Game of Thrones, avec une pincée de Dallas, les fameuses séries télévisées américaines. Résumé: le méchant Niels, patron de Free, a cassé les prix et durement secoué ses concurrents Orange, Bouygues et SFR, en leur piquant 8 millions de clients. Le fourbe Fourtou, président du géant Vivendi, veut vendre sa filiale SFR, dont le chiffre d’affaires a plongé de 10%, au félon Drahi, prince du câblo-opérateur Numericable, en lui promettant 11 milliards. Le roi du béton, Bouygues, hurle au complot et propose 13,5 milliards pour rafler la mise. Pour éviter le couperet du gendarme de la concurrence, il veut céder ses antennes à son ennemi juré, le rusé Niels, qui loue ses antennes à Orange. Je vous l’ai dit: c’est Macbeth au pays des télécoms !

Derrière cette valse des milliards, il y a de rudes réalités économiques. Pour Bouygues et SFR, c’est une question de vie ou de mort. Avec ses forfaits qui commencent à zéro euro, Free leur a tondu la laine sur le dos. Une saignée de 100 000 clients pour le roi du béton. Dans ce business impitoyable, il faut être le premier ou crever. Selon le magazine “L’Express”, »le rachat par Bouygues de SFR et de ses 21 millions de clients, s’il est avalisé par l’Autorité de la concurrence, lui permettrait de prendre directement la tête de la course avec 32 millions de clients, contre 27 pour Orange. Par contre, si le gibier lui échappe, les analystes d’Oddo Securities estiment à 40 % la probabilité d’un rachat de Bouygues Telecom par Iliad», maison-mère de Free.

Mais Bouygues a une botte secrète: il a le soutien du gouvernement français et de son flamboyant ministre Arnaud Montebourg, vous savez, celui qui redresse surtout le menton! Le ministre veut des opérateurs en bonne santé pour investir dans la fibre optique, sans que cela coûte un euro au contribuable. Evidemment, si un opérateur mobile en rachète un autre, ils ne seront plus que trois dans l’Hexagone. Un enfant comprendrait que des milliers d’emplois risquent de passer à la trappe. Pas du tout, oh âmes simples: Bouygues promet de développer l’emploi en France et il peut compter sur un coup de pouce de la Caisse des dépôts, dont le président est un proche du président François Hollande, et qui mettrait 300 millions d’euros au pot. Après la charge de la brigade légère, c’est maintenant l’assaut des chars Leclerc (Bouygues et l’Etat) contre SFR. La bataille ne fait que commencer, mais c’est déjà le bal des faux-culs. Selon les confidences au “Monde” des acteurs du mélo-drame, les coups fourrés et l’intox ont joué à plein chez Bouygues, SFR, Numericable et Vivendi. C’est un poker menteur à coups de milliards. Le “Monde” soulève un coin du voile: «Selon un proche, les 850 millions rajoutés par Numericable par rapport à sa proposition initiale ont été décidés par M. Drahi sur un coin de table du café Copernic, ce mercredi soir. Un courriel part à 20 heures. L’enveloppe de l’offre ne sera déposée qu’à 2 heures du matin, une fois reçus l’accord des banques américaines.»

Ce feuilleton des télécoms ferait passer un bon moment aux Français si Bouygues et Numericable avaient les milliards qu’ils mettent sur la table. Mais ils seront obligés de s’endetter lourdement, 500 millions de frais financiers par an pour se payer SFR. Alors, là, on ne rigole plus du tout! Le marché français du mobile, c’est 3,8 milliards d’euros en 2013, en baisse de 14% en un an, environ 130 000 employés, 75 millions de forfaits, mais la moitié sans engagement. Autrement dit, des clients volages qui changent d’opérateurs comme de chemise et dont la facture mensuelle a dégringolé à 18 euros en moyenne, une baisse de 16%. On comprend mieux pourquoi l’UFC-Que Choisir, qui défend les consommateurs, s’inquiète pour le maintien de la concurrence, encadrée par l’Etat, pour éviter une explosion des prix, comme en Autriche. La vie des affaires, ce n’est pas comme les jeux vidéo: à la fin de la bataille, tous les morts ne se relèvent pas!

 L’auteur est journaliste retraité dans le Gard.

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