L’honneur perdu d’UBS


UBS est la plus grosse banque helvétique et un des géants mondiaux de la gestion de fortune.

PAR MARC SCHINDLER, Alès (France)

Dans l’opinion et dans les médias, elle est devenue le symbole de la fraude fiscale et des excès scandaleux de la finance mondiale, ceux que la vindicte publique appelle les banksters. La justice française vient de condamner la banque suisse à payer une caution de 1,1 milliard d’euros pour démarchage illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale. Si l’UBS était condamnée, l’amende finale pourrait atteindre 6 milliards d’euros!

Sur son site, UBS se vante de  “son expérience séculaire dans le domaine de la gestion privée, son expertise financière couvrant toutes les zones géographiques et toutes les classes d’actifs ainsi que sa recherche mondialement reconnue. Votre Conseiller Personnel analyse également votre portefeuille actuel en consolidant l’ensemble de vos avoirs financiers. En s’appuyant sur cette analyse et votre profil de risque, votre Conseiller peut ainsi vous proposer une allocation d’actifs en adéquation avec vos besoins et vos attentes.” Des centaines de riches Français (hommes d’affaires, héritiers, sportifs, stars du show bizz) ont mordu à l’appât. Selon les juges, l’UBS avait «permis à ses commerciaux suisses de démarcher de riches clients en France, pour qu’ils ouvrent des comptes non déclarés en Suisse.» Selon le site Mediapart, qui a eu accès aux documents judiciaires, «les juges cherchent à vérifier si, de 2004 à 2012, UBS AG a participé ‘de manière habituelle’ à des opérations de fraude fiscale à l’impôt sur le revenu, sur la fortune ou sur les sociétés, en accueillant de l’argent français hors du territoire national sans le déclarer au fisc et en mettant en place des procédés destinés à le dissimuler.»

UBS aurait mis au point un système de comptabilité secrète, dont le nom de code était «carnets du lait». Selon Mediapart, «l’organisation d’une filière d’évasion fiscale de la France vers la Suisse ciblait les grandes fortunes françaises au même titre que les célébrités ou les commerçants aisés, partout sur le territoire. Cette filière était organisée et alimentée par des salariés français d’UBS, mais aussi par leurs homologues suisses, au mépris de la loi». Ces comptes n’étaient pas déclarés en Suisse et ils servaient à répartir les bonus des chargés d’affaires de la banque. Les juges français ont patiemment reconstitué le puzzle frauduleux de l’UBS. A la suite d’une note anonyme adressée aux autorités françaises: «UBS France a mis en place un système d’évasion fiscale», ils ont interrogé des clients de la banque et des dizaines de chargés d’affaires qui opéraient illégalement en France. Ils ont perquisitionné les locaux d’UBS à Paris et en province et ils ont saisi des documents compromettants. Bref, c’est la guerre totale contre la fraude fiscale.

Mediapart: «les juges ont donc estimé que les sommes sous gestion au département France International avoisinaient, au minimum, 12,2 milliards d’euros. Et en s’appuyant sur le témoignage le plus prudent qu’ils ont obtenu durant leurs interrogatoires, ils ont jugé qu’au moins 80 % de ces sommes n’étaient pas déclarées au fisc français». Evidemment, les avocats d’UBS se sont pourvu en cassation. Ils veulent même saisir la Cour européenne des droits de l’homme, faut oser! UBS juge la caution de 1,1 milliard «injustifiée» et «insensée», mais elle a fini par payer. Une malheureuse erreur de collaborateurs trop zélés? Vous voulez rire: UBS a déjà été condamnée pour fraude fiscale par les autorités américaines: elle a dû payer 780 millions de dollars et livrer au juge américain les noms de 4450 clients américains. Elle a aussi payé 300 millions d’euros à la justice allemande et une enquête est en cours en Belgique. Bref, UBS n’est pas vraiment une banque au-dessus de tout soupçon! Elle n’est pas la seule banque suisse prise les doigts dans la confiture de la fraude fiscale: Crédit Suisse a, lui aussi, versé des millions de dollars aux Etats-Unis, pour éviter un procès. Cette amende colossale de 1,1 milliard d’euros, cela correspond à «42,6 % de la dernière année de bénéfice après impôt» de la banque, et à  “2,8 % de ses fonds propres”, selon la justice française.

Dur à avaler, mais plaie d’argent n’est pas mortelle. Selon des banquiers suisses, UBS n’est pas en danger, elle puisera dans ses réserves, elle perdra quelques bons clients et ses actionnaires feront la gueule. Son image sera un peu écornée. La morale de cette affaire? Qui vous parle de morale et d’honneur? La gestion de fortune, ça n’a rien à voire avec le catéchisme. C’est du business très juteux et, dans ce domaine, les banquiers suisses sont très bons. Et la France, qui en a bien besoin, pourra financer l’aide sociale. Que demande le peuple?

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Un commentaire à “L’honneur perdu d’UBS”

  1. Goupil 4 octobre 2014 at 22:09 #

    Rien à voir avec la morale, la gestion de fortune? Peut-être mais le dindon citoyen n’en a pas moins ras le bol quand il apprend qu’UBS ne paie pas d’impôts… en Suisse.

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