La faillite de la banque Hottinger, annoncée hier par la Finma, constitue peut-être un signal quant à l’évolution du marché de la gestion de fortune en Suisse.
PAR PIERRE NOVELLO
S’il est difficile de se prononcer sans connaître les tenants et aboutissants de cette déconfiture, celle-ci ne constituera assurément qu’un événement à la portée très réduite en raison de la taille de l’établissement. Il est probable que les dégâts causés à la plupart des clients seront limités puisque, d’une part, les portefeuilles-titres sont hors-bilan et ne tomberont donc pas dans la masse en faillite et, d’autre part, parce que les avoirs sur les comptes bénéficient d’une garantie jusqu’à 100000 francs. Cette garantie, financée par les banques et négociants en valeurs mobilières, n’aura d’ailleurs pas besoin d’être actionnée, indique la Finma, puisque «sur la base des informations actuelles, ces dépôts peuvent être remboursés à partir des actifs disponibles de Bank Hottinger & Cie A.» Ainsi, seuls les clients disposant d’avoirs sur leurs comptes dépassant cette limite de 100’000 francs pourraient être pénalisés si le dividende issu du partage de la masse en faillite ne parvient pas à couvrir leurs créances. On ne dispose évidemment pas de cette information.
D’une manière plus générale, on peut se poser la question de savoir quelle stratégie adopter pour protéger ses liquidités au-delà de cette fameuse limite de 100000 francs. C’est d’autant plus important à l’heure actuelle que le placement en obligations pose un double problème: il est très faiblement rémunéré tout en étant exposé au risque de la remontée des taux d’intérêt, avec pour conséquence la chute de la valeur boursière des titres. Ce qui implique une part plus importante en liquidités que celle qui devrait lui être consacrée selon une allocation d’actifs traditionnelle. C’est pourquoi de nombreux particuliers dépassent sans doute le montant protégé. D’autant plus que le krach de 2008 a laissé de profondes stigmates dans l’esprit de beaucoup d’épargnants qui préfèrent des comptes bien garnis plutôt que n’importe quel instrument financier, même le plus sûr.
Il existe plusieurs solutions pour s’assurer contre ce risque. La plus simple consiste à ouvrir des comptes dans plusieurs banques pour bénéficier dans chacune d’entre elles de la protection des dépôts. À moins de choisir par exemple une banque cantonale qui offre une garantie intégrale. On notera que ce n’est plus le cas de la BCV, tandis que la BCGE restreint cette protection à hauteur de 500000 francs. Il est également possible de placer ses liquidités sous la forme de fonds de placement sur le marché monétaire en franc suisse. Les marchés monétaires sont composés de placements à court terme, jusqu’à 12 mois d’échéance, sur des débiteurs de premier ordre. Ce sont donc en principe des placements très sûrs. Etant donné qu’il s’agit de titres détenus directement par les clients, ils font partie des éléments hors-bilan, permettant d’échapper aux conséquences de la faillite sans avoir à se soucier de la limite des 100000 francs.
Comme on pouvait s’y attendre, le placement sur les fonds monétaires n’est pas la solution miracle par rapport aux comptes bancaires: les frais – courtages et droits de garde – s’avèrent plus élevés que les rendements bruts très faibles d’aujourd’hui, dégageant au final des rendements nets négatifs. Mais les comptes bancaires pourraient également virer dans le rouge si des taux d’intérêt négatif leur étaient appliqués. À cet égard, la décision d’une petite banque pourrait préfigurer le mouvement. On apprenait ainsi la semaine dernière que la Banque Alternative allait prélever un intérêt négatif de 0,125% sur les comptes courants et de 0,75% à partir de 100’000 francs de dépôt. À qui le tour?
Pierre Novello est journaliste économique indépendant.