Ta culpabilité est d’avoir laisser un blanc sur la page d’histoire de ton maquereau.
PAR SAMUEL WAELTI
Les mains sombres, tu es coupable. Coupable d’être né sur une terre foisonnante de richesses. A tes mains nous avons scellé des chaînes, à nos doigts fut porté le diamant. Voilà le joyau qui motive ton geôlier, et rend joyeux nos joailliers. Ton continent sera ta geôle.
Tu as sali mes champs de ta sueur et de ton sang. A bon entendeur le coton n’est blanc qu’aux yeux de l’acheteur et du marchand. Ainsi t’avons-nous traité et ainsi nous traitons encore. Demande à tes cousins d’Amérique, ils sauront t’expliquer, enfin pour ce qu’il en reste; ils auraient su car ce sont les terres que nous nous sommes appropriées.
Depuis, la couleur ne rentabilise plus. Avec le temps, le confort s’est installé dans les maisons que vous nous avez construites. Crois-moi, l’ennui ne se porte jamais très loin du confort… D’ailleurs, c’est à ce moment précis que “l’éthique” fut inventée. Il fallait bien combler les trous creusés par notre engraissement quotidien. Nos explications farfelues ne suffisaient plus à motiver nos peuples.
Il leur fallait du bien et du mal, du faux et du juste. Les choses ont donc pris un tournant. Nous ne pillons plus pour voler les richesses mais nous combattons pour préserver le droit et la liberté des hommes. Enfin, c’est ce qu’ils voulaient croire. Ainsi donc, prenez-en tous mes enfants, le pouvoir est mon corps, l’argent ma foi. Bouffez en tous, mes agneaux, ceci est le credo.
Mais réjouis toi, frère d’Afrique, bientôt sera venu le temps où la méfiance des couleurs s’estompera pour ne laisser place qu’à un teint blafard habillé d’un costard et d’une cravate. L’universel écrasera peu à peu la différence. Ne te voile pas la face, lorsqu’il n’y aura plus d’os à ronger, c’est à notre propre chair que nous nous attaquerons.