Ce clic aliénant qui conditionne nos existences


Il y a comme ça des trucs qui m’épatent. Ou qui m’inquiètent. C’est selon.

PAR PIERRE ROTTET

Qui m’épatent dans la mesure où je maîtrise à peine l’ABC de mon ordinateur. Et encore, l’AB, devrais-je préciser. Cela à l’heure où un gosse de 12 ans, avec le même ordi et ses connaissances sur ledit bidule, me fait passer pour un analphabète. Oserais-je? Un ignorant!

Des trucs qui m’épatent, disais-je, dès lors qu’ils me facilitent l’existence. Mais qui m’inquiètent aussi, lorsque je me mets à penser, même un peu. A réfléchir, par la même occasion. Bref, à m’interroger, un luxe en voie de disparition. Et notamment sur ce que l’homme, nous, enfin, les autres, sommes capables de performances technologiques grâce à nos intelligences qui veillent à notre développement. Parfois. Lorsque ce n’est pas à notre destruction. En travaillant, dit-on à peaufiner les demains à venir. Pour nos commodités. Supposément, je veux dire.

Qui m’inquiètent, donc, et de plus en plus, dans la mesure où, si elles n’ont pas de mal à échapper au béotien que je suis, échappent, je le crains, aux hommes également, à notre société. Une société, vois-tu, faite de clics sur des touches qui se mettent à mener et à conditionner notre vie, à nous informer comme elles l’entendent, à sélectionner nos mémoires, à la rendre partielle à défaut d’inexistante. Le tout dans un même clic et une même voix. Histoire de nous uniformiser dans la même morosité d’un vécu où la notion du critique devient de plus en plus absente. Ce dont rêve n’importe quel pouvoir!

Le clic! L’inséparable et indispensable clic. Qui conditionne nos vies, prépare nos loisirs, nos vacances, notre efficacité dans le boulot, évalue nos prouesses, notre compétitivité. Le clic devenu roi, pour les inconditionnellement soumis que nous sommes désormais. Des commissions à faire? Tu cliques! Un compagnon, une compagne, un amant, ou amante, un bon c…? Tu cliques! Des clics, toujours des clics. Y compris celui du matin, qui t’éveille. Et t’accompagnera la journée durant. Je clique, donc je suis!

Sur ce que je sais d’ailleurs, sur les clics justement, il a suffit d’un clic ou l’autre pour rendre une voiture intelligente. Mieux, pour te conduire là où tu le désires. Sans même toucher le volant. Ni une pédale d’ailleurs. Mieux, tiens, tu pourras même t’installer à l’arrière. Elle conduira pour toi, ta bagnole intelligente et suréquipée. En faisant la nique à ton plaisir de la conduire. De la manœuvrer. T’auras bonne mine, avec ce clic devenu l’inséparable nécessité de ta vie, ton paysage, ton vice, au détriment de ton autonomie. De ta liberté!

La ronde des clics. Des clics dans les magasins pour payer tes commissions. Quant les caissières le faisaient autrefois. Avec le sourire. La ronde des clics encore, dont ce sont emparés les hackers. Pour piquer ton pognon. Où que sais-je. Dictent des conditions à leurs exigences, faussent des scrutins pour permettre l’arrivée au pouvoir d’un Trump. Au détriment d’une insignifiante Clinton il est vrai.

Des clics en veux-tu en voilà sous la forme de cyberattaques de portée mondiale, qui paralysent des systèmes nous privant de clics en mettant à nu nos failles. Nos… vulnérabilités. Nos dépendances. En accrocs du clic! Un système conçu par l’homme, donc. Enfin, par des hommes dans cette civilisation de clics! Qui fait fort lorsqu’elle se met au service des nouvelles, terribles et meurtrières « avancées » technologiques des fabricants d’armes. Des va-t-en guerre qui se sentent pousser des ailes pour être en phase avec la mort, à la pointe des armes, assurément pas imaginées pour servir la paix. Ou la préparer, comme disait un imbécile dont j’ai perdu le nom.

Un clic, deux ou trois beaux clics, pour fabriquer des robots qui feront de toi un chômeur; pour lancer à l’assaut des robots tueurs; faire s’envoler des drones de combat armés dans le but d’anéantir ce qu’ils trouvent sur leur passage; pour projeter en cliquant de beaux lasers et autres trucs électromagnétiques et destructeurs.

Tu l’as compris, une civilisation de clics au service de destructions massives, du fric aussi qui s’entassent dans les bourses. Le tout grâce aux clics zappeurs d’une société subitement silencieuse, sous prétexte qu’elle a d’autres chats sur lesquels cliquer. En clignant des yeux, des yeux indifférents qui détestent regarder en face les réalités de ce que sont ces nouvelles armes. Dotées elles aussi d’intelligence artificielle produite avec l’argent du bon peuple. Du bon peuple qui s’en fout. Habitué qu’il est à cliquer pour décharger sa conscience, en laissant aux autres de cliquer sur les saloperies. Les dangers qui demain les guettent. Nous guettent. Ainsi que nos enfants.

Circulez, y a rien voir. Rien à comprendre! Des cliqueurs se chargent de prendre votre demain en main. Lors du récent Mobile World Congress (MWC), tenu en 2017 aux Etats-Unis, Masayoshi Son, le fondateur de la société de technologie et de télécommunications Softbank, énonçait « une thèse réconfortante », du moins l’affirmait-il »: d’ici à 30 ans, l’intelligence artificielle (IA) aura dépassé le cerveau humain. Dommage. Dommage que cette IA vienne un peu tard. Avec un peu d’avance, cette technologie « de pointe » aurait en effet pu remplacer le cerveau d’un Trump, par exemple. Et bien des cerveaux dans les gouvernements de la planète.

Il y a des années, pour tout te dire il y a bien bien longtemps, à en croire les livres, des hommes s’étaient mis en tête de construire une tour. La tour de Babel, assez haute pour atteindre le ciel. Tu connais l’histoire et ce qu’il est advenu. Moi aussi je la connais, même si je ne l’ai pas vécue. En revanche, je vis celle-ci. En témoin de cette nouvelle tour, de cette « babelisation » de notre société. A l’insu de notre plein gré, comme disait l’autre!

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8 commmentaires à “Ce clic aliénant qui conditionne nos existences”

  1. Michelle 24 juillet 2017 at 09:03 #

    Du tout bon Rottet!
    Pour quand une balade des clics?

  2. brigitte 24 juillet 2017 at 09:16 #

    Excellent et Réaliste ! en effet ul y a de quoi s’étouffer de rire en voyant la facilité avec laquelle on arrive à non plus faire marcher mais courir le bon peuple
    Souvenez vous de ce qui a suivi la projection du Film la Rafle du Vel d’Hiv
    Les interdits et peurs factices se sont suivis jusqu’à se mordre la queue de leur propre et éternelle régénération La peur des juifs chassés de partout aurait elle donné des idées aux magouilleurs ayant compris combien il était facile de duper les lecteurs qui sont reliés aux réseaux anti sociaux pour être plus facilement manipulés même par des politiques ?
    D’ailleurs Hollande et bien d’autres ont su en profiter ,un lion ne reculant devant rien pour se faire encenser ,Les politiciens et d’autres ont la vie facile il leur suffit de dire c’est pas notre faute c’est Internet et on n’a jamais interdit aux gens de prendre le temps de réfléchir avant d’agir et surtout prendre le temps de l’analyse avant de foncer droit dans le mur des illusions

  3. brigitte 24 juillet 2017 at 09:50 #

    Je me permets d’ajouter ceci Non que les juifs aient dû appréhender de fausses peurs celles là étaient bien réelles ,je tiens à rectifier le tir
    La peur est un excellent moteur mais à condition de pas en abuser ce qui avec internet semble devenu un jeu d’enfant et une sale habitude .Ce qui devrait avec le temps obliger les gens à mieux comprendre les motifs cachés derrière chacune d’elles et à qui elles profiteront

  4. Michelle 24 juillet 2017 at 10:06 #

    La peur est peut-être un excellent moteur mais très souvent mauvaise conseillère……..c’est cela qu’il faut soupeser pour ne pas se laisser duper.

  5. Bibi Fricotin 24 juillet 2017 at 17:58 #

    C´est bizarre cette façon de voir toujours les choses en négatif… Ce qui est – éventuellement – préoccupant ce n´est pas le clic en lui-même mais le doigt qui appuie dessus…

  6. Pierre Rottet 24 juillet 2017 at 21:15 #

    Comment, mon cher cher Bibi, dissocier le clic de celui qui pose le doigt dessus. A moins que celui qui pose le doigt ne se responsabilise pas pour les conséquences que va engendrer le clic. Et c’est bien là le problème.

  7. Bibi Fricotin 24 juillet 2017 at 23:22 #

    Enfin bref, soyons heureux de pouvoir cliquer…

  8. briigitte 1 août 2017 at 08:16 #

    en tous cas la SNCF aura eu aussi quelques problèmes avec l’ordinateur ou quand la technologie fait tourner en bourriques le bon peuple
    Y’a de quoi se faire du mouron pour le futur des viennent ensuite

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