Saisie d’un Boeing 737 à Bordeaux, Ryanair paie 525000 euros


Le jeudi 8 novembre, la Direction générale de l’Aviation civile française (DGAC) a obtenu la saisie conservatoire d’un avion de Ryanair à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. La saisie a été ensuite levée, Ryanair s’étant acquittée de la somme à quelques euros près.

Le 28 mai, à la demande du Conseil départemental de la Charente et du Syndicat mixte des aéroports de Charente, l’Administration aérienne française avait envoyé une lettre de mise en demeure à Ryanair réclamant un total de 525.585.50 euros d’amende pour des aides jugées illégales par la Commission européenne, versées dans le cadre de l’activité de la compagnie sur l’aéroport d’Angoulême de 2008 à 2009. N’ayant pas reçu la somme demandée, la DGAC a fini par saisir un Boeing 737 de Ryanair (d’une valeur de 98 millions de dollars) en dernier recours, lequel était en partance pour Londres-Stansted le jeudi 8 novembre. L’ordonnance a été notifiée au commandant de bord par un représentant de la Préfecture accompagné d’un huissier, et escortés par la gendarmerie des transports aériens.

Les 149 passagers qui étaient à bord ont dû être réacheminés avec cinq heures de retard pour leur arrivée à destination. Pour finir, Ryanair s’est exécutée en versant 524’907.50 euros, soit une mesquinerie de 678 euros de la part de la compagnie irlandaise pour laquelle un tel montant n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. Pourquoi donc cette différence? On peut imaginer que le transporteur ne voulait juridiquement pas apparaître comme s’étant acquitté de la somme exacte, un tour de passe-passe que seuls les juristes internationaux pourront interpréter. Interrogée par la presse quotidienne française, la DGAC a déclaré vouloir garantir des conditions loyales de concurrence entre toutes les compagnies aériennes. En effet, il semble que Ryanair soit la seule à demander d’importantes sommes d’argent aux aéroports locaux pour leur faire la faveur de leur accorder un trafic aérien et, comme on l’a vu précédemment, ont même été jusqu’au chantage pour obtenir des sommes supérieures après plusieurs années d’exploitation.

Par contre, la saisie d’avions n’est pas une chose nouvelle dans le ciel français. En décembre 2017, un avion de Turkmenistan Airlines avait été saisi suite à une plainte déposée pour nuisances aéroportuaires, de même qu’en août 2018 à l’encontre d’un avion de la compagnie polonaise Enter Air. Il apparaît donc que la manière forte ne fait pas peur à la DGAC.

Ryanair a essuyé, l’été 2018, trois grèves à l’échelle européenne. La dernière en date, le 28 septembre, mobilisait le personnel de cabine de cinq pays européens: la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne et le Portugal. Des pilotes de plusieurs pays, dont la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne s’étaient joints au mouvement. Deux autres arrêts de travail avaient eu lieu, les 25 et 26 juillet pour le personnel de cabine (600 vols annulés et 100.000 passagers touchés), et le 10 août chez les pilotes (400 vols annulés et 55.000 passagers touchés).

Ryanair indique avoir signé des accords avec les syndicats des pilotes SPAC au Portugal, Balpa au Royaume-Uni, ANPAC en Italie, CNE-CSC en Belgique et LBC-NVK SEPLA en Espagne. Ceux-ci doivent aboutir à de meilleures conditions de travail, et surtout à la signature d’une convention collective, laquelle devrait permettre aux pilotes employés directement par Ryanair de bénéficier de contrats relevant du droit de leur pays de résidence et non plus du droit irlandais, comme le réclament les employés de la compagnie irlandaise depuis plusieurs années.

Ryanair a finalement cédé sur la date d’application du droit du travail belge. Elle a admis qu’elle s’appliquerait à tous les pilotes et membres d’équipage en cabine basés en Belgique au plus tard le 31 janvier 2019, et non en mars 2020 comme la compagnie l’aurait souhaité.

En fait, jusqu’à présent, la réussite financière de Ryanair a été en partie due à deux phénomènes : ce fameux contrat irlandais lacunaire permettant à la compagnie de sous-payer ses employés et de leur imposer des conditions de travail qu’on pourrait assimiler à de l’esclavage moderne, d’une part, et l’extorsion de fonds aux aéroports, d’autre part. La réaction de la DGAC à Bordeaux ne peut pas faire autrement que jurisprudence et pourra certainement être suivie par d’autres en Europe, et ce qui ressemblerait à une forme de chantage de la part de la compagnie pourrait faire un flop ici et là. Mais alors ? Ryanair pourrait-elle survivre avec de nouvelles mesures contraignantes ? Le feuilleton risque de se prolonger quelque temps.

Gérard Blanc/Je Pars

Sources : 20 Minutes France, Le Dauphiné, Le Monde, le Figaro, Les Echos, Le soir, RTBF

 

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