Les journaux du monde entier évoquent la révolte des émeutiers de Barcelone et des principales villes de Catalogne. Une semaine durant, des manifestants ont enflammé les rues, levé des barricades et se sont battus contre les polices nationale et catalane. En pleine campagne électorale en Espagne, les partis espagnols se servent de ces événements pour démontrer que le mouvement indépendantiste est violent.
Profitant de cette aubaine pour “couper des têtes”, selon l’expression de la vice-présidente du précédent gouvernement de Mariano Rajoy, certains vont même jusqu’à proposer l’interdiction pure et simple des partis indépendantistes, soumettre la Catalogne à une nouvelle tutelle et jeter en geôle leurs dirigeants et membres du gouvernement. Cent ans de prison ne suffisent-ils pas, faudra-t-il renforcer les mesures répressives afin de réduire au silence les plus de deux millions de catalans qui ont voté pour l’autodétermination de leur pays? Ces mêmes politiciens espagnols, qu’ils soient de gauche ou de droite, déclament haut et fort que les indépendantistes détruisent la cohabitation dans leur pays et ne tiennent nullement compte d’une majorité des catalans qui souhaitent rester espagnols.
Mais où est donc cette fracture dont on parle tellement? Dans les rues de Barcelone, j’ai vu surtout des centaines de milliers de manifestants s’insurger pacifiquement, exerçant leur droit à manifester contre la sentence des juges espagnols sous forme de protestations, désobéissance civile, grève générale. Des émeutiers, tous bords confondus, ont cherché à en découdre avec la police, usant de moyens destructeurs, assurément condamnables. Mais j’ai pu également observer les exactions de la police contre de jeunes manifestants – on signale 576 blessés soignés aux urgences médicales, 18 hospitalisés dont 8 dans un état grave, quatre ayant perdu un œil, 1 dans un état très grave. 65 journalistes et photographes ont dénoncé des agressions de la part des forces de l’ordre.
Le verdict sévère et disproportionné du Tribunal Suprême, que l’on veut, contre toute évidence, présenter comme sanctionnant des actes criminels et non politiques, ne fait qu’amplifier le conflit entre l’Etat espagnol et le gouvernement catalan, et rouvrir les plaies encore sanglantes moralement, laissées par la répression du gouvernement espagnol lors des violences policières du référendum d’octobre 2017. Il contribue par là-même à instaurer une escalade de la tension, bien sûr de caractère politique.
François Gilabert
Photo Jean: Manifestations d’étudiants, Barcelone, 24 octobre 2019.