Lettre de Paris à mon frère Patrice, confiné dans un tout autre pays

« Nous sommes en guerre », a-t-il déclaré, notre cher, trop cher président. Il n’attendait que ça pour redorer son blason si terni. Le voici en train de relever la France à genoux face à une mondialisation exacerbée comme au bon vieux temps de l’Occupation. L’envahisseur s’appelle… Coronavirus. Virus politique contre virus invisible. L’ennemi est partout mais on commence à comprendre d’où il vient. Une sorte d’attaque chimique, telle qu’en auraient rêvé bien des dictateurs.

Cocorico, et rira bien, mourra bien qui niera l’obscure vérité… On est en train de nous créer une super dictature mondiale, un gouvernement planétaire résultant de la décomposition d’un capitalisme débridé qui a viré au désastre.

Alors, vais-je bien, cher Frère, puisque tu me poses cette question ? Merveilleusement ! Mon président m’aime, s’occupe de moi, veut m’éviter non seulement d’être contaminé par le virus mais aussi par d’autres trucs du genre résistance à la pensée unique, résistance à la contamination de la France par la montée en puissance de l’ineptie, d’un manque croissant de culture et d’une confusion foisonnante dans la tête de certains individus. On voudrait avoir davantage de cœur mais aussi d’écoeurement vis-à-vis de tous ceux qui souffrent de l’avidité d’une élite toute puissante, en réalité débile, prête à tout pour manipuler l’opinion publique à tel point que des chaînes – ou chiennes – de magasins se font un blé d’enfer en quelques jours grâce aux images de gondoles devenues folles… pardon, de rayons d’hypermarchés vampirisés par des consommateurs craignant de mourir de faim.

Je suis respectueux des consignes données par mon gouvernement, quoique doutant de sa propension à bien réagir. Je n’ai pas envie d’attraper cette crotte de virus ni de la repasser à qui que ce soit. Mais je me demande si le Covid-19 n’est pas le titre d’un film de terreur visant à tester les réactions de la population face à une guerre plus meurtrière encore: l’attaque à l’arme chimique des esprit pour les vider de leur nourriture spirituelle et intellectuelle.

A force de jouer perpétuellement avec le feu, nous nous sommes brûlé les ailes à tel point que les avions sont cloués au sol et que nous sommes crucifiés pour une période indéterminée. C’est affreux ce que nous vivons et ce qu’on nous fait vivre. C’est affreux de penser que les artistes, notamment, les « gens de la culture » sont condamnés à ne plus produire, à ne plus influer sur la société parce que dans toute guerre ils sont les premiers fauchés et réduits à la famine.

Ce lundi après midi, avant que le couperet présidentiel ne tombe définitivement, je me suis promené dans un zeste de Paris où j’aime tant dessiner… et j’ai pris ces photos absolument hallucinantes, tout en dessinant, un dernier dessin que je vous offrirai bientôt. Oui, peut-être le dernier croquis car, on ne sait jamais, le cinglé que je suis peut être fauché, à tout moment, par le Covid-19 ou une atteinte irrémédiables à la liberté de penser, à la liberté de se mouvoir, à la liberté d’échapper, précisément, au triste dénouement d’un sale roman intitulé, tout simplement, « l’imposture de la mondialisation ». On en reparlera bientôt, n’est-ce pas ?

Passage de Choiseul. Image du haut: Avenue de l’Opéra. Photos Yann Le Houelleur

Et toutes mes pensées, outre à ceux qui sont déjà décédés ou ceux qui vont se jeter par la fenêtre à cause de la faillite de leur entreprise, à ces martyrs que sont les SDF incapables de survivre en demandant une petite pièce tout en frôlant les terrasses des magasins, à ces héros (oui, je reprends les mots présidentiels) que sont les médecins et infirmières en train de voler au secours de malades en grand danger, à ces victimes collatérales du système que sont les artistes soudain castrés et obligés de s’agenouiller devant des staliniens de la pensée ou de proclamer leur désir viscéral de créer à travers le filtre de la toile que les dirigeants de facebook, youtube, instagram, google et que sais-je encore peuvent censurer à leur guise si nécessaire… Et puis, il y en aurait tant d’autres auxquels j’aimerais tirer mon chapeau ou tirer ma réverence…

A bientôt, si Dieu le veut.

Yann Le Houelleur

Yann Le Houelleur dessinant l’un de ses derniers croquis dans les rues de Paris. “C’est affreux de penser que les artistes, notamment, les « gens de la culture » sont condamnés à ne plus produire”. Photo DR

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