Au pas, les vieux, eins, zwei!


PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Il fut un temps, pas si lointain, où l’on s’en allait débusquer les handicapés et les aînés pour leur réserver un sort très peu enviable. 

L’histoire bégayant, dit-on, cette époque de sinistre mémoire deviendrait-elle à nouveau d’actualité? Ecoutons les bulletins d’information: les personnes qui ont plus de 65 ans doivent rester chez elles! Elles ne peuvent plus entrer dans les magasins d’alimentation! Au Tessin, les citoyennes et citoyens qui osent s’approcher de ces lieux de ravitaillement sont pris à partie de manière très peu sympathique, pour ne pas dire odieuse. 

On peut se faire quelque souci pour la suite des événements car si l’idée semble à l’ordre du jour, le déconfinement concernera-t-il aussi les « vieux »? Le doute est de mise: juste avant Pâques, la présidente de la Commission européenne n’a-t-elle pas suggéré que cette catégorie de la population reste cloîtrée chez elle jusqu’à la fin de l’année? Pourquoi pas jusqu’à la fin des jours pendant qu’elle y est?

Les populations âgées font l’objet d’une discrimination qui n’a connu aucun précédent depuis l’élaboration de la Déclaration des droits humains, lesquels incluent la liberté de mouvement, la liberté personnelle ou la vie de famille. Les lois fondamentales confirment cette protection. C’est ainsi qu’en son article 7, la Constitution helvétique précise que « la dignité humaine doit être respectée et protégée ». Quant à l’article 8, il prévoit que « nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique ». L’article 9 protège contre l’arbitraire et l’article 10 donne « le droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement. »

Empêcher une personne de se mouvoir librement est une claire atteinte à ces droits fondamentaux. Qu’est-ce qui justifierait que l’on déroge à cette règle morale et démocratique? La santé des populations? On aimerait bien savoir ce qui permet de l’affirmer, en dehors de la nécessité de libérer des espaces aux urgences. Nous l’avons déjà écrit, cette imposition de priorités relève de la discrimination. Sinon comment expliquer qu’un centenaire parvient parfaitement à se sortir d’affaire quand il est correctement pris en charge dans une unité de soins qualifiée? En extrapolant le même raisonnement à d’autres minorités, on mesure le potentiel ahurissant de dérive totalitaire que cette ségrégation sous-tend.

A Hong Kong ou Singapour, régions où l’épidémie est sous contrôle, le port du masque est obligatoire, que l’on soit homme, femme, jeune ou vieux. Berne peut-il nous dire honnêtement pourquoi cette mesure n’est pas recommandée pour se protéger de la pandémie? Moritz Leuenberger, un ancien conseiller fédéral, a jeté le pavé dans la mare: « M. Berset dites la vérité, avouez que la Suisse n’a pas assez de masques! » Début février, de doctes spécialistes fédéraux balayaient le risque de pandémie d’un jet d’eau du robinet et rassuraient encore tout le monde: la Suisse dispose de suffisamment de masques! Il a bien fallu déchanter. 

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