Au Brésil, regain de tension entre la TV Globo et le président Bolsonaro


PAR YANN LE HOUELLEUR

C’est une condamnation sans appel du président Bolsonaro faite, lors d’une mémorable édition du Jornal Nacional (JN), le journal télévisé le plus regardé au Brésil. Pendant le générique du JN, un chiffre effroyable est apparu : 100.543. En l’occurrence, le nombre de Brésiliens fauchés par le virus. Puis les deux présentateurs du journal, William Bonner et Renata Vasconcellos, ont remémoré à leur public l’article 196 de la Constitution de la République fédérale du Brésil : « Tout citoyen a droit à des politiques publiques visant à la protection et à la promotion de l’Etat en termes de santé (…) » Puis les deux journalistes vedettes de la TV Globo ont redoublé de sévérité à l’encontre du président Jaïr Bolsonaro. D’abord, ont-il rappelé, cela fait deux mois que le portefeuille de la santé est vacant. « Deux ministres ont successivement démissionné car ils voulaient travailler avec des scientifiques, ce que le président leur a refusé ». Puis ils ont rappelé ces images poignantes diffusées au long des mois écoulés : des milliers de gens faisant la queue devant les centres hospitaliers dans l’espoir d’obtenir un lit pour y être soigné. « Mais cette pandémie a révélé l’incapacité des autorités au cours des années écoulées à investir dans la santé. »

Evoquant à nouveau la figure du président, William Bonner et Renata Vasconcellos ont rappelé les paroles prononcées à maintes reprises par lui : « La Covid-19 est comme la pluie. Si on se fait mouiller, c’est parce que tel est son destin. » Ils ont ajouté que parmi les gouverneurs des 26 Etats de la Fédération (auxquels s’ajoute la métropole de Brasilia) plusieurs d’entre eux avaient pris soin de confiner leurs administrés. » Or, on a vu, à plusieurs reprises, Bolsonaro prendre des bains de foule sans porter aucun masque. Le président brésilien est un croyant avéré qui lors de la campagne électorale en 2018 a bénéficié de ce que l’on appelle « la bancada evangelista ». C’est-à-dire les députés liés à des églises dans la mouvance pentecôtiste, très présents au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat. 

Furieux, le président Bolsonaro a dénoncé « la lâcheté de la TV Globo qui paraissait annoncer une victoire lors de la Coupe du monde alors qu’elle a contribué à semer la panique dans tout le pays sans relâche. » Il a ajouté : « Dans certains Etats, la pandémie s’est effacée et le fait d’avoir enfermé des millions de nos compatriotes chez eux a été le véritable déclencheur de tant de décès. Or, à la faveur de ce président considéré par beaucoup comme « intrépide et ignorant », il faut préciser que Jaïr Bolsonaro est un partisan de l’hydroxychloroquine qu’il s’est fait inoculer et grâce à laquelle, a-t-il garanti, « j’ai été sauvé de la Covid ». Sans doute un grand point de divergence entre la présidence de la Fédération et cet énorme conglomérat spécialisé dans les médias et le divertissement qu’est la TV Globo. Curieusement, celle-ci, comme tant de médias en France et dans maints pays européens, est accusée d’avoir pris position contre le traitement défendu par le professeur marseillais Didier Raoult.

Le président brésilien serait-il totalement erroné ? C’est la question que se posent de nombreux journalistes œuvrant au sein d’autres organes de communication, notamment la radio Jovem Pan. Ils ont condamné la sévérité de la TV Globo. Celle-ci, il est vrai, souffre d’une érosion constante de son audience, face à la croissance de chaînes concurrentes, en particulier la TV Record administrée par… des pasteurs pentecôtistes. Encore très puissante, toutefois, la TV Globo a été accusée à de nombreuses reprises, par le passé, d’avoir manipulé l’opinion publique. En particulier en 1989, lorsqu’elle a soutenu le candidat libéral Fernando Collor de Mello, premier président élu après la dictature militaire et qui a été destitué deux ans plus tard. Collor de Mello avait pour adversaire… « Lula », lui-même en proie à un « impeachment » à la suite d’un énorme scandale de corruption. Et certains observateurs suggèrent que la principale chaîne télévisée au Brésil soutiendrait le retour au pouvoir, en 2022, dudit Lula dont la peine de prison a été suspendue.

En tout cas, depuis le début de la mandature de Bolsonaro, la TV Globo ne cesse de souffler sur les braises d’un conflit avec ce président plutôt singulier et très combatif. Bolsonaro a menacé, à plusieurs reprises, d’interrompre la concession octroyée à la TV Globo à laquelle il voudrait clouer le bec. « Cette entreprise est criminelle et elle m’en veut à mort »,  ne cesse-t-il de marteler.

L’auteur est ancien correspondant de journaux suisses et français au Brésil, vivant actuellement en France.

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