Après avoir été parmi les pays pionniers, la Suisse est maintenant en queue de peloton dans l’avancée vers la transition vers le 100 % renouvelable. Que se passe-t-il ?
La Suisse est en bonne voie pour réaliser les objectifs posés par la Stratégie énergétique 2050. Mais attention, même si elle les réalisait à l’horizon 2050, cela ne remplacerait que la moitié de la production nucléaire suisse. Le plan 2050 du Conseil fédéral, revu à la baisse par le Parlement fédéral puis approuvé par la population en 2017, est très modeste par rapport à ce dont nous sommes capables.
Energie citoyenne délaissée
Le couple Wildi (exemple réel) a investi dans des panneaux solaires sur ses maisons à Genève et en France. L’énergie produite en plus de leur consommation est rachetée par la compagnie d’électricité au tarif de 13 ct/kWh en Suisse et de 27 ct/kWh en France. On peut donc se trouver dans un pays pronucléaire comme la France et tout de-même investir dans les énergies renouvelables. En Allemagne, c’est aussi un tarif généreux de rachat des kWh renouvelables qui a été à l’origine d’un déploiement impressionnant d’énergie solaire citoyenne à travers le pays. En Allemagne, nucléaire et charbon diminuent, vent et solaire prennent la relève. Pourquoi si lentement en Suisse ? Parce que les nostalgiques du nucléaire forment une alliance puissante avec les isolationnistes. Comme si la logique d’interdépendance entre cantons était bonne, mais mauvaise avec nos pays voisins.
Isolation ou relation ?
La Suisse et l’Europe sont dépendantes l’une de l’autre pour maintenir leur sécurité d’approvisionnement et leur transition énergétique vers le 100 % renouvelable. Ceci surtout parce que les barrages hydroélectriques de la Suisse servent de batterie de stockage intermédiaire indispensable aux renouvelables suisses et européennes. L’UDC, parti hostile à l’interdépendance sous toutes ses formes, a réussi en mai dernier à faire échouer un accord-cadre Suisse – UE. Cela a également enterré les espoirs d’un accord sur l’électricité avec l’UE, au détriment de la Suisse. Désormais, l’UDC réclame une nouvelle centrale nucléaire pour « résoudre » le problème que le parti a causé. À peine 3 jours après le rejet de la « loi CO2 », Madame Sommaruga lance une nouvelle initiative pour soutenir le développement des sources d’énergie durables, notamment le photovoltaïque. Mais comment faire sans majorité au Parlement ?
Ancêtres visionnaires
Alors que la prise de conscience sur l’état de la nature mûrit dans la population, nous pourrions nous lancer des défis, des ambitions pour un avenir crédible et souhaitable. Par le passé, nos ancêtres ont construit le réseau ferré le plus difficile à réaliser (tunnels alpins) et le plus dense au monde, ils ont édifié des barrages hydrauliques et un système de pompage-turbinage, qui nous serviront encore dans des décennies pour compenser le creux hivernal de production solaire. Ne nous laissons pas freiner par une fraction solitaire et isolationniste face aux voisins et aux générations suivantes ! Nous sommes capables de modérer notre consommation d’électricité et d’installer des panneaux solaires sans modération. À nous de renforcer les forces réalistes au Parlement !
Philippe de Rougemont, Christian van Singer, Walter Wildi
Sortir du nucléaire
Illustration: Le Voyageur contemplant une mer de nuages», Caspar David Friedrich, 1818. Photomontage.