Tribune libre – Pierre Rabhi, le sobre immortel, nous a laissé une œuvre colossale


MERCI A LA MEDUSE D’AVOIR RENDU HOMMAGE A PIERRE RABHI dont la disparition récente a été ignorée, malheureusement, par tant de médias.

Que dire de plus au sujet de la vie de cet homme exceptionnel : il avait pris racine dans le sable du désert et tout au long de sa trajectoire il nous a incités à nous émerveiller les yeux tournés vers des étoiles, annonciatrices d’espoir, plutôt que de nous brûler les ailes au contact de réverbères puisant leur factice lumière dans une vaine vanité ?

Vous avez raison, cher Martin de Waziers, de débuter votre vibrant hommage à Pierre Rabhi avec la « fable du colibri ». Merveille de la création, le colibri est considéré comme le plus petit oiseau du monde. Il échappe à ses prédateurs grâce à la rapidité de ses battements d’ailes, doué de la capacité de voler à reculons. Saluons, effectivement, le « Site colibri », mouvement pour la terre et l’humanisme fondé par Pierre Rabhi.

Oui, Martin, vous avez résumé avec des mots percutants et touchants la mission dont Pierre Rabhi s’est senti investi très tôt : défendre des valeurs, des traditions qui ont permis à l’humanité d’enjamber des siècles sans pour autant détruire un environnement légué à des générations soudain globalement insouciantes qui ont tout réduit à cette variable d’ajustement arbitraire : la croissance au forceps pour si peu de bonheur en définitive. Ces tribus au fin fond du désert (de même que tant de peuplades sous toutes les latitudes, entre autres les indiens des Amériques) perpétuaient un « art de survivre » ne portant atteinte à presque personne. Et sans vouloir tomber dans les excès de la ” cancel culture “, quelles que soient nos couleurs politiques, il nous faut admettre que nous avons fini par détruire ces peuplades, les mépriser au point d’y voir « quelque chose de dérangeant et même de repoussant ». Car dans nos pays prétendument riches voués à gaspiller les ressources de la terre, nous sommes devenus  ingrats et égoïstes, incapables de nous contenter de peu. Nous sommes ineptes et inaptes à échapper à cette machine à fabriquer la frustration, la rancœur qu’est le consumérisme. Nous sommes nombreux à vouloir prouver notre supériorité à travers la conception d’outils technologiques toujours plus performants.

Hélas, des intellectuels menant une vie frénétique les yeux constamment rivés sur leur portable ont vu en Rabhi, apôtre d’une réconciliation avec la nature et avec le rythme vertueux des saisons, un gros grain de sable dans… la machine à persécuter nos contemporains en quête de valeurs autres que les gains astronomiques vénérés en bourse. Dans l’un des ses ouvrages, « Vers la Sobriété heureuse », Pierre Rabhi évoque notre suicide à l’échelle planétaire : « Les pays dit émergents foncent sur le modèle ancien, y aspirent avec toute l’énergie qu’a suscité le mythe de la réussite calquée sur un modèle qui a fait la démonstration de son échec.» Effectivement, notre époque a besoin d’hommes d’action qui par fidélité à leur engagement sont en mesure de nous faire rêver tout en nous alertant sur les risques que nous encourons.

Hélas, ainsi que vous le signalez, Martin, tout à la fin de votre article, plusieurs piliers de la bien pensance ont tenté de salir la mémoire de Rabhi. Quel ne fut pas mon écœurement en découvrant un article infect dans « Franc-Tireur », un nouvel hebdo vendu dans les kiosques français, qui a titré, carrément : « Rabhi, réac naturellement ». C’était trop facile : dénaturer certains propos de ce grand homme au sujet de sa conception de la procréation. Pour souiller sa mémoire, il suffisait donc  – argumentaire si facile –  de l’accuser d’avoir livré un combat contre les homosexuels. Notons, sans alimenter une polémique inutile, qu’une figure de proue de la mouvance LGBT compte parmi les fondateurs de « Franc-Tireur » dont bon nombre d’articles dénoncent le complotisme et semblent pencher du côté de la Macronie. Rabhi, ainsi que vous le dîtes, a eu cinq enfants qu’il a su élever, fruits d’une vie vouée à l’amour de tous « les genres ». Aussi, Pierre Rabhi ébranle et déconcerte certaines minorités intolérantes devenues incapables, malgré les diplômes et les licences de leur leaders, de comprendre les bienfaits d’une sobriété radieuse. La sagesse acquise à travers la bienveillance exige des sacrifices, des efforts, un courage dont Pierre Rhabi a fait montre. Lui, il n’a jamais prétendu avoir raison. Il n’aurait jamais balancé une bombe ou une boule puante sur qui que ce soit car il savait que la grandeur des minorités c’est précisément de ne jamais chercher à paraître majoritaire, fût-ce par le brassage de trucages médiatiques d’une violence inouïe comme nous en repérons tous les jours. Pierre Rabhi, le sobre immortel : il nous a laissé une œuvre colossale  – plusieurs associations et fondations – que vont perpétuer d’autres citoyens animés par le souci du bien et de la survie de l’espèce humaine (comme de tous les espèces).

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Un commentaire à “Tribune libre – Pierre Rabhi, le sobre immortel, nous a laissé une œuvre colossale”

  1. Martin de Waziers 7 janvier 2022 at 09:11 #

    Merci, Yann, de rendre cet hommage à Pierre Rabhi et, si j’ai voulu faire de même, c’est que cet homme aura plus fait, avec sa philosophie du colibri, pour Gaïa et l’humanité, que la plupart des rapaces politico-économiques qui ont oublié la 3ème dimension : le social ! Ou, s’ils ne l’ont pas oubliée sur le fond, la forme est condescendante et abjecte : jeter leurs miettes aux pauvres…

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