Tribune libre – Russie, Chine et revanche historique


Depuis ma plus tendre enfance, je nourris une horreur des magnificences inversées.

A quatorze ans, je découvrais Chateaubriand que l’on m’a souvent décrit comme un auteur empoussiéré n’ayant plus rien à dire à notre époque vidée de sa substance. Et cependant, que n’eût Victor Hugo la clairvoyance de celui qu’il admirait tant. A seize ans, je me mis à lire Confucius dans l’édition Seghers des Entretiens, et sans tout comprendre, je m’en délectai. A 22 ans, je suivis les cours de « pensée chinoise » du révérend Père dominicain Python à la faculté des lettres de ma ville, en supplément de mes cours réguliers de littérature anglaise et de littérature française. J’en ai retenu une révérence insatiable pour la grande littérature française, la Russie et la Chine.

Laissons de côté la France et sa littérature, il y aurait trop à en dire : la France est aujourd’hui trahie par ceux qui la dirigent, la vendent et l’empoisonnent au service de complicités extérieures. Considérons les vastes empires humiliés : la Russie et la Chine.

En dépit de l’origine kiévienne, des grands capitaines, des empereurs n’ayant pas démérité, des musiciens, écrivains, peintres, penseurs russes, l’Occident – c’est-à-dire l’Europe égarée et son appendice américain perverti et décadent – n’a cessé de traiter la Russie comme un nid de moujiks incultes, juste bons à être trompés et exploités. Conduite au bord du précipice à deux reprises, 1917 et 1999, elle a relevé la tête grâce à un homme dont l’équivalent n’existe plus en Europe depuis très longtemps. On lui a menti, juré qu’on ne la menacerait pas, tout en avançant l’OTAN, cette entreprise corsaire et démoniaque, cœur militaire et idéologique du mensonge occidental, jusqu’à ses frontières. Aujourd’hui, sous l’impulsion du grand Vladimir Poutine, elle s’est relevée et frappe. Longue vie à ses habitants, à la mémoire de sa grandeur, à l’intelligence, au patriotisme, à la calme détermination de son président.

Au XIXe siècle, Anglais, Américains, Français, Allemands, Autrichiens ont abreuvé la Chine de promesses, semblables à celles d’aujourd’hui depuis la mainmise américaine sur l’Europe. Par les traités scélérats de Nankin et d’autres, on a agenouillé la Chine, essaimé dans sa population un opium qui enrichissait ses exploiteurs. On s’est emparé de territoires, les célèbres concessions internationales mises en scène par Hergé dans Le Lotus Bleu. On a exposé l’arrogance des concessionnaires et de leurs riches valets chinois, les compradores.

En ce moment, la Chine, redevenue empire depuis 1949, prend sa revanche. Elle va recouvrer, sans doute par la force, Taïwan, qui lui appartient de droit et de fait ; elle va chasser tôt ou tard de la mer de Chine le tyran américain, qui depuis le milieu du XIXe siècle, agresse, massacre, torture et voue au pillage quelque espace qui convient à sa volonté de puissance (cf. la justification spécieuse qu’en donne le président Truman dans ses Mémoires).

Tout Européen bien né et conscient de son héritage ne saurait être désormais ailleurs que du côté de la Chine et de la Russie ; de même qu’il ne saurait qu’être prêt à débarrasser le territoire national européen des traîtres qui le dirigent. On a brûlé l’innocente Jeanne d’Arc : que l’on brûle au napalm les gouvernants de nos nations et d’une Union Européenne qui n’est que l’aboutissement de la félonie d’un homme : Jean Monnet, fossoyeur de nos patries.

L’heure est à la révolte, à la révolution.

Michel Bugnon-Mordant, Professeur honoraire de littérature anglaise, écrivain, Fribourg

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3 commmentaires à “Tribune libre – Russie, Chine et revanche historique”

  1. Yannick Le Houelleur 6 juin 2022 at 12:26 #

    Remarquable article par son érudition et l’attachement à la culture que vous témoignez. C’est formidable de pouvoir apprendre “des choses” sous le faisceau de la connaissance. Mais si vous permettez, j’entrevois un soupçon de “revanche” entre les lignes. La Chine? Elle nous jalouse autant qu’elle nous a permis d’acquérir à bas prix tant de futilités. Jadis asservie, elle prend sa revanche. Elle est aussi le berceau de modes de contrôle effroyables, avec le fameux “crédit social” dont nos dirigeants, en Europe, rêvent de s’inspirer. Quant aux souffrances des Ouïghours, comment ne pas en parler? Et puis, vraiment, personnellement je suis gêné par cet adjectif “grand” … “grand Poutine”. Même si nous ne pourrions renier le fait qu’il ait contribué à redonner à la Russie sa fierté piétinée, le personnage qui nous menace avec ses jouets nucléaire est terriblement inquiétant. Malgré leurs fautes et leur veulerie, les Occidentaux que nous sommes n’aimeraient pas ramasser en pleine figure ses armes d’une férocité terrifiante. Quel est le prix que les Russes, soumis à tant de privations, payent pour cette orgie d’armements prêts à mettre le feu aux poudres du baril planétaire? Comment vivent-ils aujourd’hui? Beaucoup moins bien que quelques années auparavant. Je suis choqué par cet article gorgé de ce que je ressens comme une méchanceté un peu gratuite. Je ne me permettrais pas, bien qu’infiniment moins cultivé que vous, de tenir des propos d’une telle gravité.

    • BUGNON-MORDANT MICHEL 7 juin 2022 at 11:33 #

      Je vous remercie pour vos remarques pertinentes délivrées avec une courtoisie qui vous honore et démontre par là même la haute tenue du site Infoméduse. Cela change des tutoiements et mots d’oiseaux d’autres sites dans lesquels la bonne éducation est absente. Vous avez raison, la Chine se venge et comment lui donner tort? Elle a été humiliée pendant presque un siècle et ne l’a pas pardonné à l’Occident. Méfions-nous toutefois d’accusations hors contexte ou influencées par la propagande américaine. Les Ouïghours sont incités depuis des années par Washington à provoquer Pékin, le pouvoir chinois ne peut donc faire autrement que de sévir. Le crédit social est sans doute effrayant, mais cet empire qu’est la Chine depuis toujours ne saurait fonctionner, étant donné le nombre hallucinant d’habitants qu’il comporte, sans des structures strictes et une discipline de fer. Le système nous paraît extravagant, mais les Chinois ont une vision du monde différente de la nôtre, même si une cinquième colonne intérieure, notamment étudiante, est poussée par les Etats-Unis à faire de la provocation. A propos de Poutine, n’inversons pas la réalité : ce ne sont pas ses têtes nucléaires qui menacent un Occident, voire une planète, terrifiés dans leur innocence, mais les actes de guerre américains et otaniens qui acculent le président russe à s’apprêter à défendre l’existence même de son pays et de son peuple, si nécessaire par une destruction nucléaire réciproque dont Washington sera seul responsable. Les Russes sont derrière leur président et souffrent beaucoup moins économiquement que nous autres Européens. Pour nous, le pire est à venir par la faute des traîtres qui nous gouvernent. Nous sommes à un tournant : face au délire mortel et criminel des Mondialistes, nous devons choisir notre camp. J’ai choisi le mien. Nous considérerons les nuances plus tard.

  2. Christian Campiche 6 juin 2022 at 15:46 #

    La démocratie est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres, disait Churchill. Encore faut-il savoir si l’Occident mérite toujours de s’y référer et de la revendiquer. Autrefois, on menait des croisades féroces au nom d’une chrétienté dont le comportement arrogant et brutal se situait souvent aux antipodes de l’idéal de fraternité prêché dans l’Evangile. Relayés par des médias à la botte d’un pouvoir militaro-industriel prêt à tout pour assouvir d’insatiables appétits, de très imparfaits démocrates ne mènent-ils pas aujourd’hui de la même manière des “croisades” au nom d’un idéal dévoyé?

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