Macron soupçonné de jouer avec le feu


PAR YANN LE HOUELLEUR, dans la région parisienne, texte et photos

Faut-il y voir un signe ? Les flammes se sont trop souvent invitées dans l’actualité pendant le premier mandat d’Emmanuel Macron et cela semble redoubler d’intensité au cours du second mandat entamé au printemps dernier.

D’abord, il y a eu le troublant incendie survenu dans la charpente de la cathédrale Notre-Dame, à la mi-avril 2019. Soit deux ans après l’élection de ce flamboyant président auquel une assez écrasante majorité de Français avait déclaré sa flamme. Puis ce fut Paris qui se mit à brûler pendant plusieurs mois quand des voitures, des vitrines furent incendiées à profusion au plus fort des manifestations organisées par les Gilets jaunes. La pandémie de la Covid a contribué à jeter de l’huile sur le feu. Le ciel, en pleine nuit, s’embrasa à plusieurs reprises pendant le confinement, lorsqu’un regain de violences urbaines fut interprété comme une démonstration de force de dealers empêchés de vendre des substances illicites au pied des immeubles dans les cités. A cela, on pourrait ajouter de nombreux coups de feu échangés entre voyous et policiers dans un pays dorénavant ravagé par une violence devenue, selon certains, hors de contrôle.


«L’ART DE L’ENFUMAGE» La France, à feu et à sang ? C’est un président prématurément vieilli, les traits tirés, s’épongeant le front, qui a débarqué (le voyage s’est déroulé dans un Falcon aux couleurs de la République) dans un département – la Gironde – dévasté pendant plusieurs jours par de cauchemardesques incendies de forêt. Bien à sa manière, ce président réputé tactile s’est mis à « palper » quelques inconnus et à administrer des tapes (prétendument amicales) tout en égrenant des promesses : « Nous allons replanter la forêt selon des règles différentes .»

Pour qui se contente d’observer la gestuelle présidentielle, pour qui analyse scrupuleusement ses paroles, Emmanuel Macron n’apparaît pas vraiment à l’aise dans de telles situations. Il excellerait presque dans l’art de l’enfumage comme s’il avait peur de confesser une certaine culpabilité, visant – sans doute – à détourner l’attention de son auditoire sur l’impuissance chronique de l’Etat à résoudre tant de problèmes pour des raisons tout à la fois idéologiques et financières.

«VALORISER LE PATRIMOINE» Ces méga-incendies n’ont pas manqué de susciter des polémiques au sujet d’une hypothétique vétusté de la flotte de Canadair (avions fabriqués au Canada dont les réservoirs peuvent emmener 6.000 litres d’eau). Aussitôt, le président et son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ont nié de telles difficultés en affirmant que la France possède déjà “la plus grande flotte européenne d’avions et d’hélicoptères équipés pour la lutte contre les incendies ». Mais ils ont éludé une question cruciale. A savoir : c’est désormais Bruxelles qui passe commande d’une partie de ces engins répartis entre les différents Etats européens…
 
De même, quelques jours plus tard, nouvelles déclarations très contestables faites par le chef d’Etat, que ses adversaires accusent d’abuser d’une dialectique fondée sur le « en même temps » : à Cahors, il a déclaré vouloir « valoriser le patrimoine français ». Or, faut-il le rappeler, lors de sa première campagne électorale, le candidat de la République en Marche (rebaptisée depuis Renaissance) avait fait le buzz en martelant : « Il n’y a pas UNE culture française ». Quel prodigieux volte-face ! On pourrait lui répondre qu’à l’heure où le constat sur la désindustrialisation de la France se confirme, où planent tant d’incertitudes, où huit millions au moins d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté, où les emplois précaires se muliplient (ce qui permet de maquiller les vrais chiffres d’un chômage en réalité colossale), où l’insécurité gagne du terrain, le tourisme de masse redevient plus que jamais une source de devises et une question de prestige, surtout deux ans avant les J.O. à Paris.


«GOUVERNER PAR LA PEUR» Pourquoi cette volonté permanente, affichée par le pouvoir, d’éteindre les incendies sur autant de sujets? Le « nouveau Macron », tel que l’ont reformaté des élections très décevantes pour lui, est physiquement différent de « l’ancien Macron ». Malgré une Assemblée nationale plus proche des attentes du peuple que la précédente, l’opinion publique a bien compris que le président de la République et son entourage continuent à tenter de consolider leur pouvoir en… mettant trop souvent le feu aux poudres. Ce qui s’est produit pendant la pandémie de la Covid, quand les Français se sont vus en proie à tant de menaces et de sanctions (dont l’infâme passe sanitaire). Gouverner en recourant à la peur, y compris la peur du feu : telle est la feuille de route et le savoir faire de la Macronie. Le scénario de la Covid serait en train de se répéter, en vertu d’un format différent, avec les conséquences de la crise en Ukraine brandies par M. Macron et les siens. La France, si sensible aux injonctions de ce faux-ami que sont les Etats-Unis, a décidé une fois pour toutes de tourner le dos à la Russie. Cela va précipiter l’économie française dans une crise énergétique et économique sans précédent. Les spécialistes les plus alarmistes prévoient même un éclatement de l’Europe et le déboulonnement de l’euro d’ici quelques mois.

«MENACES D’UN MANQUE DE COURANT» Tout récemment à Istanbul un accord a été signé sur les exportations de céréales via la mer Noire en présence du président turc Erdogan, de Vladimir Poutine, du secrétaire général de l’ONU et du ministre ukrainien des infrastructures. Cet accord n’a fait qu’attiser les critiques, prolifiques, que suscitent en France même l’incapacité de M. Macron à influer sur la situation en Ukraine. Ainsi que le relevait un expert sur Twitter, « Le président fanfaron qui s’est enorgueilli d’avoir appelé Poutine tous les jours lors de la campagne électorale n’est même pas intervenu en tant que médiateur dans ces discussions relatives aux céréales ». La France compte pour beurre ! Pour l’instant, donc, ce qui mobilise le plus fortement M. Macron et son gouvernement, c’est de préparer le peuple à ce qu’ils appellent « la sobriété énergétique » dès la rentrée puisque la France, tout comme ses voisins européens (à commencer par les Allemands), risque de manquer de courant après avoir bénéficié, pendant si longtemps, du gaz et du pétrole que la Russie a vendus au Vieux continent à des prix très abordables.

En la matière, la Russie aura été l’un des partenaires des plus fiables ! Et tous les grands indicateurs économiques sont au rouge dans ce pays très fragilisé qu’est l’Hexagone dont une bonne partie des centrales nucléaires a besoin d’être remise en l’état. Après avoir vu brûler leurs forêts, les Français pourraient grelotter de froid l’hiver prochain.

Agitant donc l’habituel chiffon de la panique, le gouvernement français profite déjà de sa proximité avec les « grands médias » pour faire infuser le message suivant dans l’opinion publique en cette période de grandes vacances : « Préparez-vous à une économie en temps de guerre et à une guerre contre les gaspillages. »



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