Taxe aérienne CO2, le réveil des pros du  voyage?


PAR GÉRARD BLANC

De récentes déclarations laisseraient croire à la prise de conscience du secteur professionnel des voyages pour faire avancer l’instauration de la taxe carbone sur les billets d’avion.  André Luthi, directeur du voyagiste suisse Globetrotter et Augustin de Romanet, directeur des Aéroports de Paris, ont récemment fait, sans se concerter,  des déclarations qui se rejoignent dans le bon sens.

«Greenwashing» est l’expression bien connue pour qualifier l’attitude de beaucoup d’entreprises qui, manifestement, veulent donner l’impression de bien faire pour leur image de marque,  mais n’ont que peu, voire pas du tout l’intention de faire quoi que ce soit pour la défense du climat, celle-ci risquant d’entraver leurs bonnes affaires. Et pourtant,  les choses pourraient changer. 

En Suisse : Dans une interview accordée au quotidien Blick, André Luthi a en effet déclaré en substance que la taxe CO2 sur les billets d’avion devait être mise en application le plus tôt possible. Il est intéressant de savoir que, par ailleurs, André Luthi  est aussi membre du comité de la Fédération suisse du voyage (FSV), responsable du secteur Politique.  Plusieurs réactions contraires dans la profession des voyages auraient tendance à prouver que sa déclaration a été plutôt courageuse et qu’il ne  s’est pas fait que des amis.

Pour André Luthi,  les fonds récoltés par la taxe carbone sur les trajets en avion devraient être totalement versés à la recherche et le développement de technologies de mobilité plus respectueuses de l’environnement.

Cette réaction va, semble-t-il, plus loin que la dernière version de la loi sur le CO2  qui n’envisageait pas de taxe carbone sur les billets d’avion. 

André Luthi étaye sa déclaration en constatant qu’une telle taxe ne viendrait que s’ajouter à d’autres (taxe d’aéroport, taxe de sécurité, surtaxe sur le carburant, etc.) pour un montant minime et ne changerait en rien le comportement d’achats, en ajoutant que cette taxe devrait être obligatoire pour tous. L’habitude serait vite prise une fois la taxe instaurée.  

En France: Une autre réaction qui pourrait encore plus surprendre est celle d’Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP (Aéroports de Paris). Il n’y a pas été de sa langue de bois lors de sa prise de parole pendant une réunion du BAR (Board of Airlines Representatives), en encourageant, lui aussi,  les compagnies aériennes à augmenter les prix de leurs parcours pour faire face aux coûts de la transition écologique, et en déclarant qu’il  préférait la décarbonation au profit. 

Cette réaction va dans le sens d’une précédente déclaration  dans la presse économique, indiquant que si le trafic aérien devait diminuer, ce ne serait pas une tragédie existentielle. 

Devant les représentants aériens, Augustin de Romanet  a rappelé que seuls 10% des Français prenaient l’avion plus d’une fois par an et que 80% ne le prenaient quasiment jamais. A l’échelle planétaire, seulement 1% des habitants ont pris l’avion l’an dernier et 5% une fois dans leur vie. Conclusion: La majorité des  passagers qui prennent souvent l’avion sont peu sensibles aux fluctuations des prix des billets d’avion.

Une augmentation des tarifs  par la taxe CO2 aurait des effets collatéraux positifs pour le PDG de l’ADP, en atténuant la pression sur les aéroports et en rendant les modèles économiques des compagnies aériennes plus soutenables et plus solides. Entendez par là que le système actuel des lowcosts  crée une concurrence catastrophique qui a engendré et engendrera encore une suite de faillites qui fait mourir le secteur aérien à petit feu. 

Constat: D’après les chiffres de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) les 2% d’émissions de CO2 que représente aujourd’hui l’aérien se transformeront en 10% d’ici 2050. Les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien ont plus que doublé dans le monde en 20 ans. Certains dirigeants du secteur aérien (pas tous encore) prennent conscience de son impact négatif sur l’environnement et appellent à la sobriété. C’est aussi le cas d’Augustin de Romanet, le PDG du groupe ADP.

Rêvons un peu au jour où l’ensemble des directeurs d’aéroports suivront le même credo.

Sources : Air Journal, RCF, Les Echos, Travel Inside

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