Hommage au grand reporter ajoulot Arnaud Bédat, papologue et vaticaniste à l’âme enthousiaste

PAR NADINE CRAUSAZ

Dans les confins de la Suisse, à Porrentruy, sa terre natale, Arnaud Bédat (photo Nadine Crausaz), grand reporter de talent s’est éclipsé, emporté par une maladie implacable, en plein cœur de l’été. À peine 58 ans à son compteur, il quitte cette scène terrestre.

Depuis une décennie, Bédat avait apporté sa contribution enthousiaste à la réalisation d’articles et de reportages sur le Pape François, au point de devenir son ami. En 2016, il avait été le premier journaliste suisse à participer aux voyages pontificaux en Arménie, en Géorgie et Azerbaïdjan.

Le Saint-Père en personne a donc tenu à adresser un message de condoléances, lu solennellement par le prêtre présidant la cérémonie d’adieux, dans l’église Saint-Pierre de Porrentruy. François a même fait savoir qu’une messe à l’aube, au Vatican, était dédiée au repos de l’âme du reporter.

AUDIENCE AU VATICAN

Ses deux complices de longue date, Gilles Bouleau et Bernard Nicolas, éminents journalistes français, ont uni leur voix pour rendre un vibrant hommage à leur cher ami et collègue. Les souvenirs ont afflué et l’on pouvait sentir la profondeur de leur émotion dans chaque mot prononcé. Ils ont rappelé ces moments de travail acharné, partageant l’adrénaline qui caractérisait le reportage sur l’Ordre du Temple solaire, mené ensemble. Mais, au-delà du professionnalisme, c’est l’homme bienveillant et généreux qu’ils ont tenu à souligner. Sa passion pour le journalisme et sa détermination inébranlable étaient une source d’inspiration pour chacun.

Voyageur infatigable et enquêteur de renom, Bédat avait effectué son ultime périple jusqu’au Vatican, fin avril, pour y rencontrer François en personne, lors d’une audience privée. Ce rendez-vous avait pour finalité une entrevue pour parfaire son troisième ouvrage consacré au Pape argentin. Deux mois plus tard, alors qu’il pensait avoir triomphé de son combat contre le cancer, une rechute implacable le faucha.

Cette audience restera désormais figée comme un adieu ultime entre les deux hommes, comme une bénédiction apostolique, in articulo mortis ? On ne cesse de le répéter cependant, Arnaud Bédat, à ce moment-là, était convaincu que le pire était derrière lui, et les projets pullulaient dans son esprit, dont un documentaire sur son cher Pape, ou encore une enquête sur les méandres de la Fédération internationale de football, corrompue jusqu’à la moelle. Voilà comment il était Arnaud Bédat, assoiffé de savoir, prêt à se lancer dans l’aventure sans ménager ses efforts. Reconnu et admiré bien au-delà des frontières helvétiques, il revenait invariablement se ressourcer dans sa bonne ville de Porrentruy, trimballer son imposante silhouette dans ces contrées périphériques qui l’apaisaient.

PORTER LA PLUME DANS LA PLAIE

Bédat avait acquis son estime, non seulement pour son style irréprochable, mais aussi pour sa bienveillance et son caractère trempé. Ses pérégrinations à travers le monde lui avaient valu louanges et hommages, mais aussi des menaces, comme celles émanant d’un dirigeant de football ukrainien peu recommandable, en 2018. Mais Bédat ne reculait devant aucune attaque, poussé par le désir profond de mettre au jour la vérité. Sa devise? « Il nous faut porter la plume dans la plaie », comme le disait si bien Albert Londres. Une phrase qui résume à merveille l’essence d’Arnaud Bédat.

Pourquoi donc Arnaud Bédat était-il devenu si proche de Maria Elena et José Bergoglio, la sœur et le neveu du Pape ? Lorsque l’élection du Souverain Pontife fut annoncée en 2013, l’envoyé spécial de l’Illustré se trouvait sur la place Saint-Pierre, à Rome. Poussé par son instinct et ses réflexes de grand reporter, il s’envola directement pour Buenos Aires, destination la famille et les amis de François. Tous étaient abasourdis par cette nomination de leur frère, oncle, cousin à la tête de l’église catholique.

UNE SOIF INEXTINGUIBLE DE VÉRITÉ

C’est durant cette période que j’eus le plaisir de collaborer avec Arnaud Bédat, notamment lors de la rédaction de ses deux premiers livres sur le Pape, et de son récit avec Jean Liardon sur Jacques Brel. Au cours d’un séjour à Buenos Aires, nous avons partagé nos points de vue, et nous avons également vécu quatre jours inoubliables en compagnie de José Bergoglio et son épouse, alors qu’ils étaient en voyage en Suisse.

Je garderai à jamais le souvenir d’un confrère passionné de lectures et de voyages, un véritable fan de Tintin, fréquentant aussi bien les personnalités éminentes que les gens humbles, animé par une soif inextinguible de vérité. Ce grand gaillard qui se prétendait mécréant, croyait plus que nous tous en la vie, en l’amitié et ces bons moments autour d’un verre, à refaire le monde. Il cachait en réalité une profonde sensibilité sous sa stature imposante, son air bonhomme et enjoué, parfois un peu fou-fou.