PAR YANN LE HOUELLEUR, texte, dessins et photos, à Paris
Ils sont formidables et déroutants, les touristes. Les seuls à se montrer capables de pousser des cris de joie blottis les uns contre les autres aux terrasses des cafés tandis qu’une pluie vindicative tambourine sur les stores. Mais que sont-ils venus faire à Paris pour être ainsi empêchés de se mouvoir librement, privés de ce camaïeu d’ocres mais aussi de gris et (les toits) de mauves qu’offre à voir la capitale ? De même, pourquoi l’auteur de ces lignes est-il contraint de ranger nerveusement ses crayons dans leurs trousses à tout bout de champ ? C’était pourtant son rêve: profiter des longues nuits de la fin de printemps et du début d’été pour dessiner assis sur les trottoirs de Paris. Mais le rêve vire au cauchemar. Impossible de le faire autrement que réfugié sous une marquise ou dans une brasserie lorsqu’une table est encore disponible au moment du « happy hour ».
L’obsession de Mélenchon
Ce samedi soir, je me retiens de péter les plombs, tant je suis écœuré aussi bien par la météo pourrie que par une situation politique ingérable. Un ami, consultant en ressources humaines, m’appelle: «Si la LFI (la France Insoumise) remporte les élections législatives les 30 juin et 7 juillet, je risque de quitter la France».
Cette bonne connaissance a du sang juif dans les veines. Comme tant de compatriotes dans le même cas, elle ne peut que trembler dans la perspective, plausible, d’une accession au pouvoir de la coalition de gauche formée à l’instigation de Jean-Luc Mélenchon. Ancien sénateur, ancien ministre, ancien député, ce personnage réputé millionnaire qui ne s’encombre pas d’outrages soutient des régimes aussi peu fréquentables que le Venezuela et Cuba. Une obsession le hante depuis quelques années: être le premier ministre d’Emmanuel Macron.
Toute la gauche est vent debout contre le Rassemblement national qui a fait un score impressionnant, un tiers des suffrages exprimés, à l’occasion des élections européennes, le dimanche 9 juin, alors que Renaissance, le parti fondé par Macron, s’est dégonflé telle une baudruche prématurément vieillie (15 % des suffrages). Admettant que ces résultats lui déplaisaient, le chef de l’Etat a aussitôt dissous l’Assemblée nationale. Casse-cou, il a pris le risque de ne disposer d’aucune majorité claire au soir du 7 juillet. «Un coup de poker», ont réagi les commentateurs.
Macron prétend avoir rendu au peuple sa liberté de choisir le destin qui lui semble le plus approprié. Pour autant, faut-il comparer Emmanuel Macron à Charles de Gaulle (photo: statue aux Champs-Élysées)? En 1969, le général avait mis en jeu son mandat présidentiel et lorsque les Français l’avaient désapprouvé lors d’un référendum, de Gaulle avait effectivement démissionné.
Décrié pour son narcissisme et son machiavélisme, Macron, à coup sûr, ne renoncera pas à ses fonctions quoi qu’il advienne. Cependant, le président est assuré, indiquent les premiers sondages, de ne pas disposer d’une majorité suffisamment claire. Il devra composer avec l’un des deux blocs qui pendant une campagne électorale ultra-courte vont s’affronter férocement: le Rassemblement national rejoint par plusieurs adhérents des LR (les Républicains, réduits à la portion congrue, bien qu’héritiers du gaullisme) et le Nouveau Front Populaire (NFP), une alliance nouée autour d’un programme commun de gouvernement. En font partie la LFI, le Parti socialiste, le parti communiste, les écolos et même le NPA, le Nouveau parti anticapitaliste qui a l’instar de la LFI soutient une Palestine «du fleuve à la mer», exacerbant tous deux un antisémitisme ravageur sensé flatter la communauté musulmane toujours plus influente en France comme sur l’ensemble du continent.
Le pouvoir du subconscient
Alors, place Saint-André des Arts, le seul dessin que j’ai pu faire s’est avéré aussi tordu que ces politiciens qui prétendent défendre des convictions et qui en réalité sont prêts à se vendre pour un plat de lentilles. Regardez-bien : le mât de la station de métro que j’ai croqué, à la terrasse d’une brasserie de la place Saint-André des Arts, penche à droite. Il est carrément raté, dois-je l’admettre, mon dessin fait dans des conditions hostiles, légèrement retouché de retour à la maison: une pluie irritante, la peur de monopoliser une table (au Café G) qu’auraient pu revendiquer des consommateurs autrement plus dépensiers que moi et la crainte des menaces pesant sur la France Mais c’est probablement mon subconscient qui m’a incité à déporter ce mât vers le côté droit de ma feuille A4. Au risque de passer pour un « journaliste » subjectif, je fais partie de ces Français toujours plus nombreux qui estiment prioritaire un retour à l’ordre, condition même pour éviter un chaos générateur des pires tensions. Pendant ses sept ans à la tête de l’Etat, Macron le chantre de l’Europe a ouvert les vannes d’une immigration excessive à l’échelle continentale. Un demi-million d’étrangers par an rien qu’en France, fustigent ses contempteurs. Et parmi ces nouveaux venus, beaucoup ont eu droit à des aides refusées à des Français de toutes origines s’estimant maltraités après avoir travaillé et cotisé en France même.
L’homme malade de l’Europe
Serais-je un affreux raciste ? Pas le moins du monde ! J’aime les étrangers, j’aime cette tradition d’hospitalité qui imprègne la France. Toutefois, la meilleure manière de préserver ce que les étrangers apprécient le plus en la France c’est de ne pas condamner ce pays à devenir le théâtre de tensions entre plusieurs communautés susceptibles de causer une guerre civile. La guerre civile se produit quand un pays souffre d’un affaiblissement d’une perte d’identité allant de pair avec un écroulement de ses institutions créant un appel d’air où s’engouffrent les plus agressives de ses composantes.
«Ce qui se dit de la France à l’étranger est pitoyable», me dit souvent un ami qui s’informe de l’actualité internationale auprès des médias anglophones. La France est décrite sous les traits de l’homme malade de l’Europe et malgré une dette publique de trois mille milliards de dollars elle se paye le luxe d’avoir un Etat qui mène un train de vie phénoménal. L’association Contribuables associés a financé un documentaire, disponible sur youtube, qui souligne la manière singulière dont les présidents successifs se sont accommodés de cette dette. «Depuis 1974, aucun budget de l’Etat n’a été à l’équilibre.» En 2007, François Fillon, premier ministre de Nicolas Sarkozy, a carrément déclaré: «Je suis à la tête d’un Etat en faillite». Avec un culot hors pair, l’actuel ministre des Finances Bruno Lemaire a décrété : «La France est à un euro près».
«La France court un grave danger», confirme le Dr Abdel Nilsseg, un psychiatre qui a quitté le bouillonnement de Paris pour couler sa retraite au rythme des vagues s’écrasant sur une jetée proche de sa maison, dans une ville portuaire. «Certes, Macron n’a pas fait grand chose de concret pour apaiser les Français. Bien sûr qu’on peut l’accuser d’avoir trop dépensé. Mais il a quand même donné du crédit aux mécontents en déboursant des milliards d’euros pour calmer le peuple, notamment lors de la crise des Gilets jaunes. Que feront les extrêmes si d’aventure, ils viennent au pouvoir?»
Les J.O. courent à leur perte
Un exemple de la propension si française à sous-estimer les dépenses : les imminents Jeux Olympiques dont Macron voulait faire la vitrine de son «règne».
«Le coût final de ces réjouissances sportives dépassera très certainement dix milliards d’euros», tranchent les oiseaux de mauvais augure. Or, Tony Estanguet, le président du Comité des jeux olympiques (Cojo) avait chiffré, initialement, à 4,4 milliards le coût des J.O. Résultat des courses : le budget a explosé.
Samedi soir, lorsque j’ai commis mon dessin à la place Saint-André des Arts, je n’ai entendu personne, dans la foule, évoquer les J.O. Cet événement international ne semble pas soulever les passions escomptées. Il se dit, un peu partout, que les retombées économiques pour les secteurs du tourisme seront moindres par rapport aux projections faites quelques mois auparavant.Pour l’instant, une inconnue demeure : qui sera-t-il, le Premier ministre aux côtés de Macron lors de la cérémonie d’ouverture le 26 juillet ? Selon les résultats des élections législatives à venir, ce sera Gabriel Atal (35 ans), l’actuel Premier ministre, Jordan Bardella (28 ans), le très médiatique président du Rassemblement national ou… Jean-Luc Mélenchon, de plusieurs décades leur aîné. Ce qui est sûr, par contre : ces J.O. se déploieront dans une atmosphère d’extrême(s) tension(s) aussi bien politiques que sécuritaires. Des attentats sont plus que jamais à redouter. Par les temps qui courent, la France est sans aucun conteste championne du monde de l’incertitude…