Si la langue est, avant tout, l’appendice buccal qui sert à mâcher, goûter et déglutir, elle est aussi fondamentale au langage. D’ailleurs, le mot, lui-même, désigne aussi le système de signes vocaux ou graphiques, conventionnels, qui est utilisé par un groupe d’individus pour son expression verbale. Le langage est la faculté que l’homme possède de communiquer et la linguistique en est la science phonologique, syntaxique, lexicale et aussi sémantique !
Si la relation humaine est basée, entre autres, sur la capacité de communiquer entre nous, encore faut-il que l’on sache en développer son efficacité. Or, contrairement à l’intuition, Albert Mehrabian, professeur de psychologie à UCLA (University of California, Los Angeles), l’a étudié et déterminé la règles des 3V (Verbal, Vocal et Visuel) montrant que les mots n’en représentent que 7%, l’intonation que l’on donne 38% et le langage corporel utilisé 55%.
Welcome calf, cow, pig, litter!
Doit-on en déduire que les Italiens communiquent au mieux grâce à leurs mains, les Anglo- saxons viennent derrière avec leur langue tonale et les Français sont à la traîne avec leur Académie. Celle-ci fut créée en 1634 par le Cardinal de Richelieu et officialisée, un an plus tard, par le Roi Louis XIII pour «donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences»… mais aussi la répandre !
Le français n’est-il pas resté en tête de la pratique mondiale pendant de nombreux siècles grâce aux colonies où l’on imposait sa langue comme moyen d’inculturation. Les récents siècles lui ont conservé son rôle dans la diplomatie jusqu’à ce que le 20ème vienne imposer l’anglais comme référence mondiale, marquant désormais l’évolution de l’économie comme élément dominant ! Adieu veau, vache, cochon, couvée, welcome calf, cow, pig, litter !
Quand on avait le latin et le grec
Cependant, si l’on met cela en perspective de la Tour de Babel et de ce qui en a découlé avec les quelque 7000 langages, sans compter les dizaines de milliers de dialectes divers, nous sommes heureux d’avoir retrouvé une certaine uniformité mondiale. Imaginez le G7 ou les BRICS n’ayant aucune langue de référence ; il semblerait que certaines institutions continuent d’utiliser la triplette ‘français, anglais, espagnol’ comme leurs trois préférences !
L’on dit souvent que les langues de Molière ou de Shakespeare sont riches de 50.000 mots, autant qu’il y aurait d’idéogrammes chinois. Et cela se complique avec l’apparition annuelle d’environ 500 néologismes, dont une centaine seront adoptés par les organismes adéquats comme « nouvelle entrée au dictionnaire ». Finalement, c’était plus simple quand on avait le latin et le grec qui ont, chacun, contribué à la création de 45% et 5% des langues modernes.
Peut-on être vraiment lettré aujourd’hui ? De sa langue maternelle à la lingua franca, celle qui est utilisée pour unifier une vaste région au-delà des dialectes locaux et qui nous vient de l’invasion des Francs au 3ème s., il nous faut de multiples référentiels, sauf de vouloir garder jalousement l’original, tout en pratiquant les autres. Parler la langue est la première marque de respect pour pleinement s’intégrer en un lieu, base fondamentale de la relation à l’autre.
Un ‘isme’ de plus
Pascal Gygax, psycholinguiste de Fribourg, s’est vu décerner le Prix Marcel Benoist, ‘Nobel’ suisse, pour ses recherches sur l’influence du langage sur notre vision du monde. Il nous dit que « la langue a toujours été politique, manipulée, tordue, rendue difficile à écrire pour permettre à une certaine élite de la maîtriser ou pour montrer que le masculin doit dominer ». Et nous voilà au débat, en linguistique, sur le langage inclusif, combat d’au moins 200 ans !
Si l’Académie Française aura bientôt 400 ans, elle aura passé la moitié à mettre en avant la neutralité du masculin en orthographe, mais il faut reconnaître que les 40 dernières années de féminisme forcené ont battu en brèche sa résistance et qu’elle est forcée de lâcher prise par bribes. Comment ne pas se laisser déborder par un ‘-isme’ de plus, qui risque nul autre que de créer une réaction extrême à l’opposé… alors que la langue est là pour nous unir ?
©Martin de Waziers
Oui la langue devrait être là pour nous unir, mais dans quel état d’esprit? La communication non verbale, que nous avons par exemple avec les animaux (attitude, intonation de la voix) est essentielle au message transmis. De plus, les propos peuvent être équivoques, nous poussant à dire le contraire de ce que l’on pense. Par exemple, dire merci, je vous remercie, car… vous êtes licencié!
Merci pour ce commentaire judicieux car c’est exactement là que le corporel (efficacité 55%) et l’intonation (38%) trahissent les mots (7%)… D’où cette importance de bien choisir ses mots et la difficulté des jeunes générations qui n’en ont pas beaucoup intégré, mais aussi le fait d’être cohérent et de tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de ne s’exprimer.