Il fallait percer l’abcès, mais pour l’agriculture la guerre n’est pas gagnée pour autant. Depuis Doha en 2001, l’OMC n’est déjà plus que l’ombre d’elle-même. Son esprit divague à Davos ou dans les réunions du G8. Les paysans vont donc devoir garder la fourche dans les négociations bilatérales qui font florès depuis quelques années et tendent déjà à se substituer au multilatéralisme.
La vraie bonne nouvelle, dans l’échec de la conférence de Genève, c’est que l’OMC va pouvoir enfin tourner la page, sortir de sa chrysalide médiévale parce que peu transparente, trop lourde, inadaptée à ces bouleversements en cours que sont le changement climatique, la montée en puissance de certains pays émergents. Sa réforme est urgente.
Dans ce contexte, il semble d’ailleurs logique que, comme dans les tragédies mythologiques, l’estocade soit portée par le créateur. Les Etats-Unis sont à l’origine du GATT, l’ancêtre de l’OMC. Grâce à ces deux instruments, ils ont façonné un monde conditionné par le libre-échange. Le système a porté ses fruits, il faut le dire, puisque la prospérité a accompagné le destin des pays industrialisés pendant plusieurs décennies. Puis les créatures se sont affranchies jusqu’à devenir les rivales du maître.
Aujourd’hui, Washington a décidé de dire stop, et ce n’est pas pour rien si le moment choisi est une année électorale. Il est du rythme politique américain comme des cycles de négociations: pendant un certain temps mieux vaut laisser le potage au froid. Sans que l’on sache encore, pour utiliser les termes de quelques enjeux agricoles de ce round raté, si sa décision sera tout coton ou au contraire une peau de banane pour la future administration américaine.
*Commentaire paru dans “La Liberté” du 30 juillet 2008