Journaliste en France, galérien de plein gré?


PAR MADELEINE JOYE

Il ne fait pas bon être journaliste en France, par les temps qui courent.

En beaucoup d’autres endroits non plus, notez. Mais, à l’inverse de tant de régimes dictatoriaux, la France est censée être un pays démocratique. Sauf que la démocratie ne trouve pas son compte quand la presse ne peut travailler librement – dans les seules limites que lui imposent ses règles déontologiques.

Les fameux «micros du Canard»  – posés en son temps dans les locaux de l’hebdomadaire satirique – relèvent presque du folklore au regard de ce qui se fait aujourd’hui. Rien ne retient les servants du pouvoir quand il s’agit d’intimider, voire de manipuler, les médias pour, en fin de compte, museler l’information. Examen des factures téléphoniques détaillées des journalistes afin de traquer leurs informateurs, cambriolages de rédactions, vols d’ordinateurs… tout est bon pour préserver l’establishment d’une saine curiosité. Et ce n’est qu’un début: selon une information du «Canard», le contre-espionnage n’aurait aucune peine à se brancher directement sur les ordinateurs des personnes visées. Il lui suffit d’en demander les adresses informatiques aux opérateurs – généralement plutôt coopératifs – et le tour est joué. Mails, sites consultés, textes en cours de rédaction, téléphones via skype, le tout livré sur un plateau sans sortir du bureau. Merveilleux!

Cette année, dans le classement établi par «Reporters sans frontières», la France a chuté à la 44e place mondiale sous l’angle du respect de la liberté de la presse. C’est grave car, plus que de la protection des journalistes, il en va du droit du public à être informé. Et ce n’est clairement pas une préoccupation majeure en Sarkozye.

Un autre mal, peut-être encore plus grave parce que plus sournois, menace la presse française. Sa trop grande proximité avec le pouvoir. Bien avant d’être élu, Nicolas Sarkozy avait placé ses pions à la tête des médias importants qui n’ont dès lors presque rien à lui refuser. Chroniqueurs virés, journalistes déplacés, responsables dégradés… le président peut tout exiger. Il choisit les personnes qui vont l’interviewer, les traite par-dessus la jambe, les humilie si ça l’amuse. Comme un roitelet avec ses courtisans. Et c’est bien l’impression qu’ils donnent: ils ne se rebiffent pas, se précipitent quand le pouvoir les sonne, acceptent que le président les tutoie, rient complaisamment à ses «saillies» même s’ils en sont les victimes, s’entassent sans rougir dans un char agricole affrété par l’Elysée bref, se comportent en larbins. Le spectacle donné par les Chazal-Pujadas-Denizot aura été, à ce titre, pitoyable. Alignés comme des premiers communiants face au Maître, émerveillés de l’honneur qu’on leur avait fait en les invitant, n’osant pas la moindre question pointue. Comment se sont-ils vus dans la glace le lendemain matin ?

Journaliste en France, c’est plutôt la galère; mais on dirait que certains aiment ça.

Article paru sur le site courant-d’idées.


 

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