Démondialisation à l’ordre du jour


La procédure des élections primaires en vue de la présidentielle française, aujourd’hui terminée, est-elle la bonne formule? Cela reste à discuter. Mais l’impact public de l’opération est sans aucun doute positif.

Ces joutes, dans leur ensemble, n’auront pas manqué d’allure. On n’oubliera particulièrement pas la surprise Arnaud Montebourg et le débat qu’il a su ouvrir sur la démondialisation. Ce député bourguigon aura été la révélation des premières primaires politiques françaises. Il a eu le mérite de défendre, sur ce thème de la démondialisation, des thèses qui ne sont pas porteuses, posant la question du protectionnisme: de quoi horripiler les tenants d’une pensée dominante en vigueur à droite et à gauche. Car la mondialisation est un tabou. Bien sûr ses effets négatifs sont déplorés de part et d’autre. Il n’empêche que les chefs de file de gauche ne la remettent pas plus question que les ténors de la droite. Ils se limitent à en proposer des aménagements. Montebourg, lui, a opté pour une politique active de démondialisation. La surprise est venue de l’écho rencontré par ses propositions. Peut-être parce qu’il a su expliquer que son idée de recourir, sur le plan européen, à des mesures protectionnistes n’est rien de plus, ainsi qu’il l’a souligné, qu’une réplique à des comportements protectionnistes qu’Américains et Chinois ne se gênent pas d’avoir face à des Etats européens jusqu’ici passifs.

On nous ressasse que la mondialisation est une réalité incontournable, au même titre que les fameuses lois du marché qui fondent les inégalités. La mondialisation est tellement bien ancrée dans les esprits que les mouvements – d’inspiration antimondialiste au départ – qui se sont opposés au néolibéralisme international du Forum de Davos ont très rapidement préféré s’appeler altermondialistes plutôt qu’antimondialistes. Cette orientation s’accordait mieux avec la tradition internationaliste de la gauche. Mais faut-il que ce soit au point que cette mouvance, qu’incarne l’organisation «Attac» (pour la taxe Tobin) se bloque face à des initiatives visant à attaquer la mondialisation à ses racines?

Il y a bien sûr des distinctions à faire. Les problèmes posés par le réchauffement climatique ou le recours à l’énergie nucléaire dépassent le cadre des Etats et exigent des approches mondialisées. C’est une autre mondialisation qui est en cause, celle des échanges économiques. Les pratiques de libéralisme intensif, au service desquelles on a créé l’OMC (Organisation mondiale du commerce) sont des facteurs de puissants déséquilibres sociaux, et cela est inacceptable.

L’irruption de la Chine dans ce théâtre d’échanges libéralisés est plus que symbolique. Même si d’autres dictatures en avaient déjà fait la démonstration, on a cette fois à grande échelle la preuve que le capitalisme s’accomode parfaitement de régimes autoritaires, qu’il se développe même mieux sous ces latitudes qu’en terrain démocratique. Le libre-échange est ainsi le vecteur des inégalités et des injustices.

Des politiques de démondialisation auraient pour objectif de s’y attaquer. En toute conscience des rapports de force, faut-il le préciser, en réponse à ceux qui voudraient clore le débat en objectant que ces politiques s’exposent à des mesures de rétorsion.

Accrochée à son mercantilisme, la droite classique ne peut accepter cette remise en cause, et ses thuriféraires fustigent le retour d’un protectionnisme qualifié bien sûr de dépassé. Verbiage. Car les orientations protectionnistes dont il est question aujourd’hui ne sont pas identiques aux cloisonnements d’une époque qui ne connaissait pas la sauvagerie du capitalisme financier actuel. 
On sait depuis ces primaires socialistes qu’il y a dans l’opinion un besoin de voir cette mondialisation contrée.

Article paru dans “Courant d’Idées

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