Beaucoup de livres d’histoire nous tombent des mains, et ne parlons pas des émissions de télévision consacrées à l’histoire contemporaine, elles nous donnent envie de casser notre poste.
PAR IAN HAMEL
Les historiens seraient-ils devenus si mauvais? Non, ils sont «sous influence» explique Annie Lacroix-Riz, agrégée d’histoire. C’est-à-dire «subventionnés» par les dirigeants d’entreprises, par les financiers.
Fin 1942, dès que la défaite du Reich paraît inéluctable, le Vatican décide de mettre en place des «officines de transit» afin de permettre aux nazis d’échapper à la justice. Le pape va confier cette tâche à Monseigneur Montini, le futur Paul VI, à Monseigneur Hudal, «évêque autrichien nazi et “négociateur“ de la déportation des juifs de Rome d’octobre 1943», et à l’archevêque de Gênes, «port de départ des évacués outre-mer», Monseigneur Siri.
Le sauvetage des criminels de guerre fut essentiellement, mais pas exclusivement, financé par les Etats-Unis. Quant au Vatican, cette tâche peu reluisante «absorba le plus gros de son intérêt et de ses activités à travers le monde de 1942 à 1955». Ces révélations viennent d’un petit ouvrage récent signé par Annie Lacroix-Riz, ancienne élève de l’Ecole normale supérieure, et professeur d’histoire contemporaine à l’université de Paris 7, intitulé «L’histoire contemporaine toujours sous influence» (*).
L’industrie subventionne l’histoire
Bien évidemment, le côté obscur du Vatican, cette «énorme machine de pouvoir, froide et dure», comme l’écrit l’historien Zeev Sternhell, est presque toujours passé sous silence dans les livres d’histoire. Auteur de l’ouvrage «Le Vatican, l’Europe et le Reich, de la Première Guerre mondiale à la guerre froide», Annie Lacroix-Riz est surtout connue comme spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.
Elle montre très clairement comment ceux qui possèdent l’argent mettent, depuis une vingtaine d’années, l’histoire contemporaine «sous influence». En clair, quand un industriel ou un banquier subventionne des travaux de recherches, ouvre ses archives, il attend en retour que l’historien fasse l’impasse sur les épisodes les moins glorieux de la vie de son entreprise ou de son établissement financier.
Des livres sans références
«La tendance non critique de certains travaux issus de la coopération entre scientifiques et donneurs d’ordres financiers a été favorisée par la méthodologie adoptée: le recours non systématique – voire le non-recours systématique – aux archives», s’indigne Annie Lacroix-Riz, auteur notamment d’«Industriels et banquiers sous l’Occupation».
Sans doute avez-vous déjà lu ces livres d’histoire bien écrits, qui paraissent vraisemblables, mais qui ne possèdent ni index, ni notes. En clair, aucune preuve, aucune référence n’étayent leurs affirmations. Récemment, j’ai lu un ouvrage affirmant que la famille Ben Laden possédait une banque à Genève et que l’un des frères d’Oussama, Yeslam, en était le directeur.
Pressions financières
Il n’y avait ni le nom de la banque, ni son adresse, ni la moindre preuve qu’un établissement financier pouvait appartenir à la famille Ben Laden. Certes, il y a bien un Yeslam Ben Laden à Genève, mais, naturalisé suisse, il vend des montres…
Bref, avec la crise, les groupes financiers ont pris le relais des pouvoirs publics désargentés. Adieu l’indépendance de la recherche historique. Dorénavant, la plupart des livres d’histoire écrits en français ne nous diront plus que ce que les hommes d’affaires veulent nous faire avaler.
Le plus grave, c’est que l’opinion publique ne se rend même pas compte de ces manipulations, ignore tout des pressions financières, idéologiques et politiques des milieux dirigeants. «L’histoire contemporaine toujours sous influence» a au moins le mérite de nous ouvrir les yeux.
(*) Éditions delga, le Temps des Cerises, 263 pages.
Hi,
Nicolas Werth is in my town lecturing on Stalin today. I would like to learn more about Mme. Lacroix-Riz