Contre la campagne soutenue par le Conseil fédéral et orchestrée à coups de dizaines de millions de francs (dont 8, rien que pour Economiesuisse) par la bourgeoisie, nous serons des centaines de milliers d’ouvriers, d’employés et de syndicalistes à voter OUI au salaire minimum le 18 mai.
PAR WALTER WAELTI, Genève
De là à l’emporter, ou même simplement à y croire, il y a de la marge… Les dernières enquêtes d’opinion donnent le NON gagnant à près de 60%. Il faut dire que les patrons, leurs associations, leurs partis et leurs obligés, les journalistes, groupes de presse et experts de tout poil n’auront pas lésiné à la tâche. Promettant délocalisations, licenciements, baisses salariales compensatoires pour les revenus médians et autres «catastrophes», ils se seront efficacement saisi de la perche tendue par les édiles de l’USS (UNIA en tête) et du PSS pour infliger, une fois de plus, une défaite aux travailleurs de Suisse.
Les revendications ouvrières ne se jouent pas à la roulette russe!
En recourant systématiquement, pour ne pas dire exclusivement, aux institutions bourgeoises de la démocratie directe (référendums et initiatives populaires) pour prétendre sauvegarder ou arracher droits sociaux et conquêtes ouvrières, les dirigeants de l’USS et du PSS divisent et conduisent sciemment la classe ouvrière de Suisse dans des impasses. Comment douter que ces édiles syndicaux et politiques ne sachent que, pour la satisfaction des revendications, ce terrain est le plus défavorable qui soit? Le sort réservé à l’initiative populaire «une sixième semaine de vacances pour tous» et celui récemment réservé à la «1:12» en attestent. Recourir à l’initiative populaire pour prétendre satisfaire les revendications, c’est renoncer à constituer le rapport de force, classe contre classe, et transformer les travailleurs en citoyens, isolés les uns des autres et par conséquent individuellement exposés aux pressions et menaces patronales; c’est nier aux travailleurs leur capacité à s’organiser sur le terrain des revendications, de la mobilisation et de l’indépendance de classe; c’est exclure un quart des travailleurs du pays empêchés de participer à la votation du fait de leur nationalité; c’est favoriser la bourgeoisie en lui abandonnant la possibilité de faire valoir sa supériorité économique et politique pour exercer sa domination matérielle et idéologique sur l’issue du scrutin; c’est nourrir des illusions et exposer les travailleurs à l’arbitraire, aux défaites et au découragement ; c’est jouer les revendications des travailleurs à la roulette russe; c’est enchaîner la classe ouvrière au cadre des institutions de l’Etat bourgeois; c’est semer la confusion en concédant à «n’importe qui», curés, banquiers, juges, avocats, dentistes, rentiers, clochards, repris de justice… le droit de se prononcer sur les revendications sociales et politiques des ouvrières et ouvriers du pays; c’est soumettre les syndicats à la tutelle de la «vox populi» et au hasard.
Le salaire minimum et la votation du 9 février
Avec un Code des obligations taillé sur mesure pour servir les intérêts du patronat, une Loi sur le travail exsangue, à peine un peu plus de 45% de salarié-e-s couverts par des CCT (dont l’écrasante majorité n’intègre pas de salaires minimums), avec la «paix du travail», signée en 1937 et toujours en vigueur, avec un marché du travail hyper-flexible et particulièrement déréglementé, l’usage que le patronat suisse s’est opportunément empressé de faire de l’accord bilatéral Suisse/UE sur la “libre circulation des personnes et des services” ne s’est pas fait attendre. Dans ce contexte (de «partenariat social», de privatisations et de dumping salarial), les travailleurs, par centaines de milliers et sans la moindre sympathie pour le parti de Blocher, se sont saisis de l’initiative «contre une immigration de masse» pour sanctionner le dumping salarial, la déréglementation et les politiques désastreuses de «concurrence libre et non faussée» exigées par les Directives de l’UE. Pour l’USS et le PSS, pivots des politiques d’intégration européenne, le coup fut rude. Largement responsables de la situation, les directions syndicales et socialistes en appellent maintenant à leurs partenaires de l’Union sacrée d’avant le 9 février pour tenter, en vain, d’obtenir un compromis sur le salaire minimum pour, disent-ils, compléter les mesures d’accompagnement. À terme, cela permettrait aux responsables, tant au PS qu’à la tête des syndicats, de mettre le salaire minimum dans la balance pour chercher à contourner le scrutin du 9 février et préparer le terrain à la conclusion, voire à l’adoption, de l’accord institutionnel CH/UE. Un pas supplémentaire dans la politique d’intégration à L’Europe de Maastricht. Mais comme on dit: «il y a loin de la coupe aux lèvres», d’autant que, dans ce domaine, la souveraineté de la nation étant en jeu, le référendum en tant qu’institution de la démocratie directe aura le dernier mot.
Monsieur, Merci pour votre article. Etant donné qu’il ne se passe rien concernant ce salaire minimum indispensable, cette initiative aura au moins l’avantage d’avoir entamé un débat sur la question et de faire réfléchir les citoyens concernant cette question primordiale. Dans les combats, il faut être utopique et y croire. J’espère que cette votation sera acceptée le 18 mai ! Meilleures salutations.
Bien chère Michèle Herzog, intéressé par l’analyse faite par M. Walter Waelti sur le salaire minimum et les problèmes que posent les syndicats et la gauche en général en recourant
à des initiatives populaires pour prétendre défendre les intérêts des salariés, j’ai lu votre commentaire et (après la cuisante défaite de dimanche 18 mai) constate que : 1°, W.W., dans son article, vous répond par anticipation en indiquant que l’impasse à laquelle les organisations (USS + PSS) exposent les revendications et les travailleurs en se limitant au seul lancement d’initiatives populaires comprend notamment, en tant que fâcheux inconvénient, celui de “nourrir des illusions” (cf. : votre commentaire); 2°, votre point de vue, au demeurant fort sympathique, exprime une contradiction de taille. En effet, évoquant le salaire minimum, vous parlez d’une “question primordiale” et, dans la phrase qui suit, vous indiquez qu’il “faut être utopique”. De deux choses l’une : soit il faut trouver les moyens concrets, rationnels et parfaitement “réalistes” et “réalisables” pour trancher et l’emporter sur une “question primordiale”, soit la question,n’étant au final pas “si primordiale que cela”, relève d’une “utopies” et sera, dans ce cas, reléguée au rang de douce et irréelle rêverie…
Avec mes meilleures et cordiales salutations