Industrie pharmaceutique, le revers de la médaille


L’industrie pharmaceutique helvétique «apporte une contribution déterminante à la qualité de vie ainsi qu’à la prospérité de la population suisse». Ce constat établi par Interpharma, l’association regroupant les acteurs suisses de la branche qui pratique la recherche,  repose sur de solides indicateurs économiques. En 2018, cette industrie a offert 46’800 emplois directs et 207’000 emplois indirects, générant une valeur ajoutée directe de 36 milliards de francs, soit 5,4% du PIB. Première du classement, elle contribue à 38% de la valeur des exportations.

La stratégie des pharmas à l’horizon 2030 vise à maintenir cette position. Mais attention, plusieurs signes indiquent une dégradation possible. En cause non pas les pharmas elles-mêmes, mais la Suisse: notre pays recule au classement de la compétitivité et l’horizon fiscal s’assombrit puisque l’OCDE veut combattre la concurrence entre les pays.

Dès lors Interpharma préconise une série de mesures qui devraient consolider la position de ses membres. Tout d’abord un accès large et rapide aux médicaments innovants: en comparaison internationale, la Suisse tarde trop à délivrer les autorisations de commercialisation. Ensuite le remboursement assuré pour les patients. L’association mentionne encore un contexte fiscal attrayant – à cet égard elle a été bien servie par la dernière réforme de la fiscalité des entreprises –, ainsi que la disposition d’une main-d’œuvre qualifiée qu’assure la libre circulation des personnes.

Tout cela au grand bénéfice du patient qui figure au centre des préoccupations de la branche, comme ne manque pas de le souligner Interpharma.

Voilà pour le côté face, plus souvent évoqué que le revers de la médaille. Car les entreprises pharmaceutiques font trop souvent la une de l’actualité judiciaire, par exemple pour entrave à la concurrence et corruption (ici et ). Plus grave encore, le retrait de nombreuses pharmas de la recherche et de la production d’antibiotiques efficaces, un secteur peu profitable. Alors même que les autorités de santé prévoient une forte augmentation des décès pour cause d’infection bactérienne d’ici le milieu du siècle.

Et gravissime même, la légèreté manifestée par les pharmas face aux effets indésirables de leurs produits: un médicament contre l’hypertension contaminé par des agents cancérigènes, parce que produit en Asie pour en abaisser le coût de fabrication; un médicament contre l’ostéoporose qui s’avère dangereux dès lors qu’on abandonne le traitement et dont les lanceurs d’alerte subissent menaces et pressions; l’anti-douleur Vioxx qui provoque 700 décès en Suisse. Et l’on peut allonger la liste. Sans parler des produits dont l’efficacité reste proche de zéro.

L’actualité pointe les traitements anticancéreux novateurs, vendus à des prix astronomiques. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, de l’Herceptin de Roche, facturé 2’095 francs pour un coût de production estimé à 50 francs environ. Les pharmas se refusent obstinément à fournir les données qui pourraient justifier de tels prix, se cantonnant à des généralités sur le coût de la recherche.

L’industrie pharmaceutique est un fleuron de l’économie helvétique. Mais à quel prix pour le système de santé, pour les patients et pour l’image de la Suisse? Le patient au centre, proclame Interpharma. Le revers de la médaille nous inciterait plutôt à voir le profit au cœur de cette activité.

Jean-Daniel Delley

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