Lettre de Lima – Face aux caméras agressives de la télévision, un groupe de jeunes embastillés…


PAR PIERRE ROTTET

Ils sont devenus fous! Dans l’impossibilité de sortir et, avec le couvre-feu désormais fixé à 18 heures en soirée, j’en profite pour faire une indigestion de lecture, une surdose de repos. Et m’informer. Enfin, dans la mesure du possible.

Les journaux d’ici sont à peu de chose près ce que sont ceux qui paraissent en Suisse ou en France, à ma connaissance. Les pages remplies de corona, avec la longue litanie des chiffres dans les quatre rondeurs du monde. Les avis des experts qui ne concordent pas souvent… Des records de décès ici ou là. Tristement battus jour après jour! Bref, de quoi instiller le bourdon aux plus optimistes!

Les quotidiens de Lima se sont transformés en chiffres eux aussi, tout esprit critique abandonné, serait-ce pour commenter la loi de la gâchette adoptée samedi 28 mars 2020 par le Congrès. A ce propos, j’ai une précision inquiétante à apporter. Le texte de cette loi scélérate avait été préparé par le défunt Congrès, alors en mains du Fujimorisme, Parti populiste de triste mémoire s’il en est… Dissous l’an dernier par le président Vizcarra. 

Inquiétant, disais-je, car cela démontre à envie que la nouvelle composition de ce Congrès, dans lequel le fujimorisme a perdu sa majorité pour ne représenter que la portion congrue, est encore allée plus loin, en la promulguant, cette loi gâchette.

Et puis, il y a les chaînes de TV nationales. Certaines du moins, dont une sur laquelle je me suis trouvé en cette soirée de lundi, interpellé par des images de jeunes alignés dans le commissariat de l’un de ces fameux districts populeux, dans lequel l’existence est souvent une non-vie.

Une vingtaine, dont l’âge pouvait osciller entre 13 et 20 ans. Et encore! Des sacrées prises pour les flics pour en faire de mauvais exemples…

Des gosses, des ados, embastillés par les forces de l’ordre dans une sorte de salle de sport destinée au délassement des forces de l’ordre. A l’intérieur, un reporter de la chaîne, ganté, masqué, micro en main, fier d’humilier ces gosses, s’en vient prendre la place des flics de service pour violemment les interroger.

Parmi eux, quatre ou cinq gamines, très très jeunes, se trémoussent de honte face aux caméras agressives de la TV. Comme les garçons du reste. Qui ne peuvent que répéter qu’ils regrettent au journaliste inquisiteur. Et encore, d’une voix inaudible. On ne saura jamais ce qu’ils regrettent… D’avoir tenté de grappiller quelques soles pour grignoter un pain que l’estomac appelle? On ne saura jamais. J’ai zappé. Le rouge de la honte sur mon visage!

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