Patate électrique

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Le 22 septembre 2002, lors d’une consultation mémorable et à la surprise générale, le peuple suisse dit non à la privatisation de l’électricité. Le moins étonné, mais de loin pas le plus déçu, n’est pas votre serviteur qui avait milité contre l’ouverture du marché. Quelques jours avant la votation, il signait dans « La Liberté » un éditorial dénonçant les excès de la mondialisation. Il est grand temps de lui mettre le holà, écrivait-il. Des arguments diamétralement opposés à ceux du rédacteur en chef Roger de Diesbach, lequel relayait dans un contre-éditorial publié le même jour les assurances du ministre Moritz Leuenberger: la libéralisation garantit la stabilité des prix.

Sept ans plus tard, foulant aux pieds l’avis du peuple dans le sillage d’un jugement du Tribunal fédéral, le législateur helvétique impose la privatisation partielle de l’électricité, premier pas vers l’ouverture totale et tous azimuts d’un marché traditionnellement caractérisé par son opacité. Les journalistes qui se hasardent à tenter d’en percer les mystères doivent rapidement se rendre à l’évidence. La branche de l’électricité souffre d’un manque navrant de transparence. Impossible de savoir comment s’y déterminent les ententes entre acteurs et les prix. A côté, le secteur des assurances fait figure de santon de Provence.

Condescendance et bétonnage de l’information caractérisent la branche à tous les niveaux. On voit aujourd’hui le résultat. Après Alpiq, l’an dernier, c’est au tour du fournisseur Axpo de requérir l’aide étatique. La situation n’est pas moins tendue du côté des consommateurs qui commencent à se rendre compte qu’ils sont les dindons de la farce. A St-Prex, la commune a interpellé Berne après la communication par son fournisseur d’électricité d’une hausse de 1800 % (!) de sa facture. Devant une telle progression, il n’y a pas de mots pour exprimer sa surprise et son incompréhension. Ou plutôt si, le commentaire qui vient en premier lieu à l’esprit est: on nous a roulés dans la farine.

L’accusation de spéculation est formulée clairement à St-Prex. Une municipalité qui se mord les doigts pour avoir cru aveuglément aux belles envolées des partisans de l’ouverture débridée du marché. Et de renvoyer aux politiciens la patate bouillante après que tant la Commission de la concurrence que M. Prix ont aimablement décliné toute invitation à s’occuper du dossier. Voilà qui promet des débats électriques dans les parlements, l’enjeu étant, pour la seule commune de St-Prex, une facture de 1,3 million, contre 70’000 francs en temps « normal ». Combien de localités connaissent les mêmes inquiétudes? On ne devrait pas tarder à le savoir. Elle a bon dos, la guerre en Ukraine!

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