“Dans le grand basculement que nous vivons, le gagnant sera le Sud global”

Mondialisation… Démondialisation – Vers un grand basculement! Jeudi 29 juin 2023, le public se pressait dans une salle d’Uni Mail à Genève (photos infoméduse) pour écouter les orateurs au débat organisé par l’association Cri-voix des victimes.

Gérard Chaliand, géostratège et homme de lettres, a décrit le monde dans lequel nous avons basculé depuis le début du millénaire: compliqué parce que devenu multipolaire. La Chine, l’Inde talonnent désormais les Etats-Unis, devançant l’Union européenne. Un monde où le risque nucléaire, bien que réel, demeure peu probable parce qu’il serait imprévisible. Un monde où les acteurs jouent à fleurets mouchetés au milieu de francs-tireurs qui ont pour nom Turquie ou Arabie saoudite.

Pierre Conesa, essayiste, chef d’entreprise, ironise: la terre n’est pas ronde mais plate! Elle est investie par les bellicistes de tous bords qui clament que “Poutine est fou” sur les plateaux de télévision. Les radicalismes religieux et les intellectuels parisiens “Tefal”, du nom de l’ustensile anti-adhésif, car tout glisse sur eux, même leurs insanités, mettent de l’huile sur le feu, à la manière des évangélistes pendant la guerre d’Irak. Mais l’action militaire montre ses limites dans la résolution des problèmes.

François Pointet, conseiller national vert-libéral vaudois, analyse les conséquences du basculement pour la Suisse. Le respect des règles du droit international est l’objectif du pays dont la neutralité est rediscutée. Mais cette neutralité, la Suisse est surtout incapable de l’expliquer, alors qu’il est vital pour elle que ce statut soit reconnu. La Suisse est plus que jamais un îlot au milieu de l’Europe. Et de citer l’ancien conseiller fédéral Burkhalter, rencontré au coin d’une table, lequel faisait remarquer les plans de paix sont actuellement étudiés par des pays comme la Chine ou la Turquie, alors qu’ils devraient l’être par la Suisse.

Mezri Haddad, journaliste, philosophe, écrivain et diplomate tunisien, observe que la mondialisation ne peut être dissociée des notions de colonialisme, d’impérialisme voire de racisme. Deux millions d’Irakiens ont été tués, sans qu’un tribunal ne juge les criminels. La mondialisation ne peut pas marcher sans partage du pouvoir, voilà ce qu’il faut expliquer au Léviathan américain. D’autres empires doivent pouvoir émerger. Le nouvel ordre mondial ne saurait être celui de Bush.

Guy Mettan, journaliste, député UDC genevois, juge qu’il n’y a pas de démondialisation mais plutôt une désoccidentalisation, une recolonisation du Nord par le Sud. Et de comparer la situation actuelle à la fin de la Première Guerre mondiale qui a vu les grandes nations européennes s’affaisser au profit du troisième larron, les Etats-Unis d’Amérique. Dans le conflit en Europe orientale, au bout du compte, tous les protagonistes seront perdants, comme en 1919. Le grand gagnant sera le Sud global. Symptomatique est le fait que les BRICS dépassent déjà le G7. “Les rues des villes du Sud sont moins sales que les villes du Nord!” Un grand basculement que ni la Russie, ni l’Amérique ne veulent voir. La guerre que ces puissances se livrent n’est qu’un accélérateur de tendance.